Lexique (1)

Posted by on Mar 7, 2014 in Blog, Théâtre

Il est d’usage de respecter l’ordre alphabétique. Ici, pour ce petit Lexique, on empruntera et on adoptera une succession et un classement didactiques afin de rapprocher ou d’opposer certaines notions tout en reprenant le fil de l’argumentation.

représentation : la réflexion est menée en partant de la mutation de cette notion qui se substitue à celle d‘objet ( en tant que fait matériel ou intellectuel). Elle souligne le lien de ce qu’elle recouvre avec le processus de Re-présentation, lequel permet l’existence de toute « chose ».

re-présentation : le tiret indique qu’il n’est pas question de quelque chose de figé, « se faisant » –  lié plus directement avec le processus de Re-présentation. Cette notion désigne plus particulièrement la représentation Théâtrale par rapport à la simple représentation de spectacle, mais aussi toute chose s’accomplissant (donc en relation avec le processus de Re-présentation).

processus de Re-présentation : principe constant et omniprésent selon lequel, à tout instant et à tout niveau, chaque représentation (chaque chose) est et se fait. Le terme de processus est relativement douteux dans la mesure où il risquerait de donner à accroire qu’un sujet hors re-présentation disposerait, agencerait et ferait fonctionner les parties d’un quelconque tout, alors qu’il n’existe, à l’orée du processus de Re-présentation, aucune part tangible. C’est plutôt ce processus qui permet aux représentations (en lien avec les effets de causalité intervenant plus tard) de naître et renaître. De plus, la définition en tant que « principe » est ambiguë, un tel principe se tient entre une « source » et un « foyer » : il est ce qui permet que « quelque chose » sorte ou rayonne, mais jamais il ne dit que ce « quelque chose » existât. Comme s’il était source et foyer du Rien.

 

Rien : il est impossible de signifier quoi que ce soit avec ce terme ; sinon il s’agirait de quelque chose. Rien se tient partout et tout le temps, donc jamais et nulle part, toutefois, on peut imaginer métaphoriquement qu’il s’entrelace avec l’intégralité des représentations ( choses et évènements), à tous les moments et tous les niveaux. Si une pensée ne peut évoquer que de façon métaphorique le Rien, cette pensée, depuis ce Rien, pense l’existence des choses et des évènements comme des métaphores, justifiant qu’ils soient nommés « représentations ». Il est puéril de comparer le vide avec Rien : si, par exemple, vous avez bu le liquide de votre verre, on dira qu’il n’y a plus rien dans celui-ci et qu’il est vide, mais cela ne voudra pas dire que plus rien n’existe, le verre étant toujours là, ni non plus que dans son vide il n’y ait rien, puisqu’il y aura au moins de l’air et des ondes électromagnétiques. Qu’est-ce que le vrai vide sinon Rien (?) et il est inutile de l’évoquer par une pièce vide « laquelle se trouverait à côté ». Une pièce vide, c’est encore quelque chose. Toutefois, l’expression « à côté » aide la pensée si elle admet que cet « à côté » n’ait aucun ni jamais lieu, qu’il soit un « à côté » radical. On est aussi tenté de comparer le néant avec Rien. Comparaison logique, la seule nuance à apporter étant que le néant est déjà une négation du Rien. Il n’en reste pas moins qu’en se « posant » Rien se renie et que ce reniement est une autre définition du processus de Re-présentation.

 rien(s) : en se reniant au moyen du processus de Re-présentation, Rien se mute en riens, des éléments, des représentations minimum. Ces riens ne sont pas rien (employé ici comme négation de ces riens). Il serait injuste de prétendre que le théâtre ne sert à rien, puisqu’au cours de l’histoire il n’a cessé de se mettre au service de tous ces riens (qui ne sont pas rien) tels que la religion, la politique, l’enseignement, l’esthétique, la littérature, le loisir…etc, mais le Théâtre, surtout, sert le Rien, il en témoigne, il témoigne (d’un) Rien créateur, (un) Rien qui tire du néant, donc de lui-même.

 

part matérielle et part immatérielle : chaque espèce, chaque groupe d’êtres vivants, chaque catégorie de « matière », selon sa considération, perçoit dans le monde et en chaque individu, une part matérielle et une part immatérielle. Cette dernière relève de ce qu’on tient pour un minimum de sensibilité, de conscience, d’imagination, aussi imperceptible soit-il. La part perçue par les uns comme matérielle, sera perçue comme immatérielle par les autres, et celle immatérielle par les uns, comme matérielle par les autres. Au bout du compte, on admet une conception du monde matérialisante puisque ce qui est tenu pour immatériel par certains sera, par ailleurs, tenu pour matériel. Il y aura toujours le passage par un point de vue matérialisant. Toutefois, il serait préférable, si possible, de ne pas employer le terme de matière dans la mesure où on a à faire à des représentations soit, selon la considération, matérielles ou immatérielles.

 considération : modalité et façon selon lesquelles chaque représentation et ensemble de représentations subit, ressent, perçoit ce qui l’entoure, à commencer par lui-même. Il est évident que la particularisation d’une représentation ou d’un ensemble de représentations dépend d’un observateur (qui peut être lui-même), donc de son type de considération. Il n’est pas question, ici, de prêter la moindre conscience à n’importe quelle représentation, voila pourquoi on a d’abord parlé de « subir », ce qui revient à se trouver en situation.

 

spectacle : ce à quoi assiste tout observateur qui, ainsi, en devient le spectateur. Selon l’usage, on établit une nuance entre les spectacles qui, volontairement, se donnent à voir et ceux qui le font involontairement, dont le spectateur est, avant tout, un témoin. En fait, volontairement ou involontairement, tout se donne à voir, quand bien même aucun être humain ne soit en capacité de le faire. Se cacher est une façon paradoxale de se donner à voir. De même, pour être caché, bien que, dans ce cas, aucune intention ne soit impliquée. Sans oublier qu’un spectacle peut être, de la part de celui qui est vu, totalement inintentionnel et ne dépendre que de celui qui, le regardant, l’institue en tant que spectacle. De même façon qu’il peut être, de la part de celui qui voit, tout aussi inintentionnel et ne dépendre que de celui qui, se montrant, l’institue en tant que spectacle (question du « voyeurisme » et de « l’exhibitionnisme » – à la nuance près, qu’en terme de perversion, les  intentions se rencontrent puisque les exhibitionnistes se donnent en spectacle aux voyeurs. Remarque qui pose le problème de tout spectacle, même licite).

théâtre : terme ambigu qui désigne et un lieu où se déroule un spectacle, et un type de spectacle, le spectacle « dramatique ». Une telle ambiguïté montre l’importance du théâtre dans les civilisations qui exercent leur influence. La plupart des spectacles sont censés se dérouler dans des théâtres ( certains dans des cirques), parce qu’à l’aube de l’antiquité occidentale, les premiers spectacles reconnus semblent, par rapprochement, sortir des manifestations de possession du culte de Dionysos, puis, justement, de ce qu’on appelle le choeur dionysiaque, ensuite de ce que les Cités grecques, au cours de leur reprise en main, organisent sous forme de Choeur dithyrambique, enfin de ce qu’elles ont fini par maîtriser comme Choeur de la Tragédie. Issu de la Tragédie et de la Comédie antiques, le théâtre dramatique occidental prétendit, en tant que contenu et mode d‘expression, servir de modèle à l’ensemble des spectacles de théâtre dans le monde entier, alors que nombre de spectacles spectacles théâtraux traditionnels sont, en fait, composés de danses, de mimes et de chants.  Pour sa part, le théâtre occidental, était devenu, dans l’esprit de tous, le théâtre du texte. Ce « constat » est la conséquence d’un aveuglement qui perdure. Même les tenants du corps, du geste, de l’image et de « l’installation », tout en critiquant violemment le théâtre de texte, lui accorde une prétendue supériorité et, ceci, en le tenant, surtout, pour un théâtre de texte, alors qu’il est, avant tout, le théâtre de l’acteur. Selon ce théâtre, dans le droit fil de la « possession antique », on se doit de jouer et, pour ce faire, on a besoin de l’acteur qui n’est pas seulement un musicien, un danseur, un chanteur ou un jongleur, pas seulement un interprète, un exécutant, un actant, pas seulement quelqu’un qui agit, mais une personne qui représente. Toutefois, les tendances des mises en scène, aujourd’hui, sont de réduire le jeu de l’acteur et de faire du théâtre, un spectacle parmi d’autres (ce qu’il est aussi), mais souvent moins intéressant que les spectacles pluridisciplinaires qui, au moins, donnent à admirer des performances.

Théâtre : la majuscule a pour fonction d’indiquer qu’on parle d’un Théâtre dans lequel l’actrice et l’acteur accomplissent, en jouant, des re-présentations. Il ne s’agit particulièrement, ni du genre tragique ni du genre dramatique, ni non plus du genre comique ou burlesque. De plus, les actrices et les acteurs peuvent, s’il est besoin, sauter périlleusement, danser, chanter ou simplement réciter, le principal étant que ces performance sertissent le jeu de la re-présentation.  Le Théâtre donne la possibilité, à des êtres humains, de témoigner du Théâtre à la base des « choses ».       (à suivre)