Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 6

Posted by on Avr 25, 2014 in Blog

Quand nous touchons à l’être, nous oublions que nous jouons. Notre jeu, tendant à coïncider avec l’être, nous ne le voyons plus distinctement, et loin des yeux loin du coeur, mais, franchement, quel rapport l’autisme entretiendrait-il avec ce souci ? On risque même de trouver ce souci contradictoire avec ce qu’on présume de l’autisme : on a plutôt l’impression que les autistes oublieraient, avant tout, qu’ils sont. Préjugé bien prétentieux tant il s’appuie sur la conviction que seul l’homme correct, convenable et raisonnable qu’on est, se rend compte qu’il existe, sent qu’il est ! A ce compte là, il ne devrait y avoir que peu de personnes qui sentiraient qu’elles sont et, dans ce cas, on devrait se demander pourquoi tant de gens craignent-ils pour leur vie ? Pas seulement pour leur vie en tant que persistance d’ailleurs, mais simplement – nous ne trouvons pas d’autre mot – pour leur « être ». Souvenons- nous de Voltaire remarquant que même un condamné à mort ne souhaiterait pas être un autre (c’est à dire, au fond, ne pas être, ce qui ne veut pas dire qu’il ne souhaiterait pas exister dans une autre situation, une autre existence qui, par exemple, lui permettrait de continuer à être). On ne recule pas devant ce préjugé prétentieux pour la bonne raison de la Raison. On est persuadé qu’être conscient, donc être, c’est se trouver conscient selon des normes précises, si ce n’est restreintes. La conscience ne serait que d’un seul type. La meilleure preuve en est que pour être comprise, cette conscience doit s’exprimer, se transmettre et s’échanger selon des modalités communes, quand bien même faudrait-il les traduire. Pour exister, aux yeux de tous, une conscience a besoin d’être comprise, c’est à dire trouver sa place dans un ensemble qu’ordonnent des critères admis et tolérables. Sinon pareille conscience est dépareillée, elle n’est plus une conscience et ne mérite pas qu’on lui reconnaisse une faculté d’être.

Donc les autistes (si tant est qu’on puisse ranger sous cette appellation tant de personnes différentes) auraient oublié qu’ils sont. Heureusement qu’on est là pour leur rappeler ! Nous nous insurgeons contre cette évidence et, pour notre part, nous rappelons à ce « on » si sûr de lui-même que le monde qui nous entoure, la matière dont nous sommes faits, qu’ils en aient conscience ou non, ainsi qu’on l’entend, eh bien ce monde et cette matière « sont ». Quand bien même ne seraient-ils qu’une illusion de nos sens et de notre imagination, nous nous contenterons de cette illusion et leur prêterons existence, pour la simple raison que nous nous en contentons pour reconnaitre la nôtre. Et nous irons plus loin en opposant au préjugé selon lequel ils auraient oublié « qu’ils sont », notre propre préjugé qui entend que les autistes n’ont certainement pas oublié qu’ils sont, que les autistes sentent qu’ils sont – donc qu’ils sont, et que leur oubli concerne justement le jeu. Ceci dans le même sens que le jeu que nous oublions dès qu’il se met à coïncider avec l’être. Dans le même sens que ce jeu que les partisans (apparemment opposés) du non jeu et du surjeu, nous demandent de ne pas oublier au théâtre. Pas seulement sur la scène, d’ailleurs, mais aussi dans la vie courante car chaque société exige que nous employions et nous nous en tenions à certains moyens expressifs. Exigence qui se dresse comme un terrible obstacle à l’encontre des autistes.