Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 7

Posted by on Avr 29, 2014 in Blog

Nous discutons avec trois psychanalystes. Très vite on nous objecte qu’on a le profond sentiment, expérience à l’appui, que les autistes profonds « ne savent pas qu’ils sont ». » Chez ces autistes profonds, le dispositif de subjectivité ne s’est pas mis en place et, justement, ce dont ils auraient besoin serait de pouvoir jouer, de pouvoir envisager et d’esquisser un minimum de théâtralisation ». Heureuse discussion et heureuse objection qui confirment l’énorme malentendu traversant aussi bien l’idée que l’on a du jeu théâtral que la conception que l’on se fait de la construction de la personne humaine. Malentendu commun qui court et s’amplifie avec les âges. Malentendu parce qu’on ne parvient pas à entendre ce qui est de l’être, le bruit de l’expression étant tenu pour la voix, laquelle couvre le tout. On tient le tintamarre de l’expression pour un son, ce son pour la voix, cette voix pour la signification et celle-ci pour l’être qu’il est devenu inutile de vouloir distinguer. D’autant plus inutile,  qu’on ne lui prête aucune existence  et qu’on emploie ce terme pratique seulement pour combler les vides du langage.

On éprouve donc le sentiment que les autistes profonds ne savent pas qu’ils sont mais, en parlant de cette manière, on confond le fait « qu’ils ne savent pas qu’ils sont » avec « ils ne savent pas qui ils sont » ! On saute une marche et l’on sous-entend l’existence d’un pronom, donc celle d’un sujet, mais comme on se garde de prononcer ce pronom, on donne à accroire « qu’être se résume, de toutes façons, à un sujet qui est ». On se trouve d’autant moins gêné pour ce faire qu’on accorde peu de crédit à l’être, sinon un utile crédit grammatical. On en est certain, le sujet remplace aisément l’être. Et cette certitude est renforcée par le « savoir » : quand on sait que l’on est un sujet, c’est qu’on est ! Cela vient en droit fil de la traduction en français de Descartes : « je pense donc je suis » que l’on adapte  en : « je sais donc je suis »

. Depuis la scène du théâtre, nous contestons cet aplatissement, car il s’agit d’un aplatissement : plutôt que de procéder à pareille adaptation, celle de la pensée en savoir, on aurait pu s’attacher au fonctionnement de la pensée elle-même. La pensée se déploie à travers des représentations, lesquelles sont produites par » un processus de représentation », au même titre que le jeu théâtral (pour bien distinguer la représentation en tant qu’objet transmissible, de son processus producteur, nous écrirons celui-ci en ajoutant un tiret : re-présentation). Qu’il ait lieu ou pas, l’être ne se réduit pas au savoir d’un sujet. Le fait que nous envisagions qu’il n’ait positivement pas lieu ne retire rien à l’exigence que nous avons par rapport à tout ce qui prétend le remplacer. Que l’être soit ce qui, de toujours et de partout, se remplace, n’enlève rien à l’exigence que tout ce qui le remplace, le remplace mais ne l’occulte pas et prétende s’en dispenser, ne serait-ce qu’en l’oubliant. On parle trop facilement de mémoire en ce qui concerne le théâtre et l’on ne se rend pas compte que cette fameuse mémoire n’est pas celle de la récitation, mais celle de l’être, quand bien même n’eut-il jamais existé.

C’est seulement à partir de cette mise au point que nous pouvons interpréter le diagnostic selon lequel, chez les autistes profonds, le dispositif de subjectivité ne se serait pas mis en place et que, justement, la possibilité de pouvoir envisager la théâtralisation serait un voie bénéfique.