Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 13

Posted by on Mai 20, 2014 in Blog

Déclarer que » tout le monde parle » relève d’une bête provocation – laquelle, en raison de sa bêtise, ne provoque plus grand monde -, bête puisque dans l’usage le fait de parler est synonyme de « s’exprimer oralement et verbalement », ce qui demande d’utiliser la phonation et d’employer un vocabulaire ainsi qu’une grammaire reconnus par une société. Nous devons plutôt déclarer que la parole est donnée à tout le monde, mais que, malheureusement, tout le monde ne se trouve pas en mesure de la prendre. Saisir la parole, saisir cette faculté exige de posséder les outils organiques, psychologiques et linguistiques qui permettent de le faire, étant entendu que « l’intention » de le faire est elle-même un de ces outils. L’intention, quand bien même l’école philosophique de la phénoménologie l’aurait-elle appelée « intentionnalité », n’est pas un donné primaire mais un outil dans les mains du dispositif de la subjectivité ; en dépit de son importance, dans nos cultures, elle est secondaire. Que l’usage confonde la parole avec l’expression et son dire, nous n’y pouvons pas grand chose et il serait bête de se battre contre des montagnes, il est vain de faire fi de la montagne de l’opinion, il vaut mieux la laisser s’éroder, s’ébouler pour finalement s’écrouler. En revanche et en attendant, il nous est permis de prendre des notes, de poser discrètement des questions et de continuer à farfouiller dans les opinions toutes faites. Il nous est permis de chercher les liens entre la problématique de la Re-présentation et la complexité de la vie et de sa matière.

De même façon qu’au théâtre, le processus de Re-présentation précède, à chaque instant, l’expression subjective, laquelle se tient à côté, la parole, cette faculté, précède le dire de la subjectivité, lequel se tient à côté. Les autistes ne sont pas exempts de la parole, mais ils rencontrent une grande difficulté à employer le dire qui conviendrait pour qu’on admette « qu’ils parlent ». Cette grande difficulté à employer le dire ne se réduit pas à une méconnaissance et à une maladresse par rapport au dire, elle est souvent un refus d’avoir à faire à celui-ci. On mettra tout de suite un tel manque d’appétence et un tel refus sur le compte d’une absence de subjectivité et, pour notre part, nous mettrons en garde à l’encontre d’un pareil jugement selon lequel il n’existerait qu’un seul type de subjectivité, déterminé par une culture, une conformation psychique et organique. Ou, selon lequel il n’existerait qu’un seul type de subjectivité valable pour toute culture, toute conformation psychique et organique ; semblable dispositif correspondrait plutôt au processus de Re-présentation – qui, d’ailleurs n’en n’est pas un – lequel se situe bien en deçà de toute subjectivité.

Notre mise en garde à l’encontre d’un jugement réducteur, ne veut surtout pas dire que les autistes ne bénéficieraient d’aucune subjectivité. Certes, ils n’en bénéficient pas selon la forme qu’on accepte d’entendre, mais cela ne démontre pas que chaque groupe et chaque individu autiste n’en n’ait pas une qui lui soit propre. Bien sûr, on pourra toujours prétendre qu’un dispositif de subjectivité n’existe que tel qu’on l’entend, mais cela ne fera que constater « qu’on entend rien », c’est le cas de le dire, ce sera une preuve de subjectivisme outrancier. On pourrait, alors, nous faire remarquer qu’en terme de « subjectivisme outrancier », les autistes ne sont pas en reste. Une remarque, loin d’être illogique, qui nous donnerait à penser qu’il faut  s’efforcer de désintriquer l’autiste d’un dispositif « mortifère », mais s’y efforcer sans forcer, forcer le passage revenant à briser une subjectivité au moyen d’une autre. Voila qui n’est pas aisé parce que, malheureusement, il est besoin que l’autiste puisse apprivoiser une subjectivité qui s’inscrive dans le concert des autres. Peut-être, justement, est-il nécessaire de retrouver le processus de Re-présentation qui se tient en deçà de toute subjectivité et de tout dispositif.