Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 14

Posted by on Mai 23, 2014 in Blog

 » L’existence » des autistes, le fait que les autistes existent, ou du moins qu’on soit persuadé qu’il y ait dans la population, un groupe de personnes, qu’en dépit de leurs différences singulières, on caractérise sous le terme « d’autistes », permet de mieux comprendre l’existence, dans le théâtre (et pas seulement), de la Re-présentation. Elle permet de mieux comprendre la différence entre ce qui relève directement de la Re-présentation et ce qui dépend de l’expression et de la subjectivité. On en est bien d’accord, les autistes existent, pourtant on considère « qu’ils manquent  de subjectivité » ou que leur dispositif subjectif ne s’est pas mis en place comme il se doit. Donc, les autistes sont et ceci malgré une subjectivité défaillante, mais ils ne font pas qu’être comme sont les animaux, les plantes et les choses, ils sont en tant que femmes et hommes. D’ailleurs, pour notre part, nous faisons plus que constater qu’ils sont, nous sommes persuadés qu’ils le savent ou, du moins, qu’ils le sentent. Il serait donc possible d’appartenir à l’humanité sans disposer d’une subjectivité convenable ? Celle-ci, dans ce cas, ne constituerait plus une condition essentielle et cela nous permet d’établir une comparaison avec le théâtre qui n’aurait plus besoin d’une expressivité parfaite pour avoir lieu. Nous ne sommes pas naïfs et savons bien qu’une expression de qualité est préférable pour que le théâtre soit bien reçu, mais cette expressivité parfaite ne lui est plus indispensable pour être. Nous en convenons, il est préférable de ne pas être unijambiste pour bien courir, il est préférable de bien courir pour jouir de son corps, il est préférable de jouir de son corps pour bien vivre et ainsi de suite, mais personne, à part un imbécile, ne vous fera grief de ne point courir et de n’avoir qu’une jambe ! Vous êtes un être humain en dehors de ça, même si c’est pas facile.

Aux yeux et aux oreilles de nos sociétés, le théâtre sera jugé comme mauvais théâtre s’il ne bénéficie pas d’une expressivité minima, toutefois il continuera d’être du théâtre ; ce à quoi on sera tenté de répliquer « qu’à ce compte là n’importe quoi pourrait être du théâtre ». Et si cela était vrai ou, en tout cas, qu’il y ait du vrai là-dedans ? Et si n’importe quoi, après tout, était du théâtre ? Ne serait-ce que d’être ? De même façon, être un « mauvais être humain – non conforme « , empêcherait-il d’être humain ? Répondre à ce genre de question est difficile parce qu’on prend le risque de se mettre à considérer chaque « chose », mais justement c’est la vocation du théâtre que d’avoir de la considération pour chaque « chose », d’avoir d’autant plus de considération pour ce qui est qu’on s’efforce soi-même d’être autre, c’est à dire d’être.

Alors, on nous apostrophera peut-être :  » s’il y a quelque chose qui n’est pas, c’est le théâtre ! » Apostrophe « oxymorienne » (en fait c’est notre langue qui est contradictoire) bienvenue car elle nous donnerait l’occasion de faire part du témoignage de beaucoup d’autistes « qui s’en sont sortis » pour lesquels, pendant longtemps ils ont ressenti comme agressif, ridicule et factice le mode d’expressivité de ceux qui les entouraient et qu’on entendait leur voir tenir. Mode d’expressivité qui ne se limite pas à la façon de verbaliser, mais aussi aux façons de se comporter dans l’espace vis à vis des autres. Certains vont même jusqu’à confier que ces comportements leur semblaient et leur semblent toujours théâtraux ! Enorme et douloureux témoignage, parce que ce mot « théâtraux » baigne dans le même esprit que celui qui condamne le théâtre sous le prétexte qu’il est justement théâtral. A ceux qui auraient été tentés de nous apostropher, nous retournerons une question : par théâtral n’entendrait-on pas ce qui ne fait que s’appuyer sur l’expressivité (telle qu’on la conçoit) ?