Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 18

Posted by on Juin 6, 2014 in Blog

Depuis la discussion avec nos trois amis psychanalystes, nous n’arrêtons pas de faire référence à la subjectivité, ne serait-ce que pour la critiquer, sans préciser, au sein de la situation théâtrale, la place que nous lui attribuons. Par situation théâtrale, nous n’entendons pas ici les situations thématiques proposées par les pièces ni, non plus, sous celles-ci ou à partir d’elles, les situations dégagées par les mises en scène, nous évoquons la situation de la représentation théâtrale en soi. Ne nous mentons pas, pour beaucoup de personnes – particulièrement, ô mauvaise surprise, chez des professionnels de la scène -, la représentation théâtrale n’a rien de particulier par rapport à toute autre représentation spectaculaire, sinon, peut-être, la prétendue obligation de prononcer un texte (particularité orale conduisant à cantonner le jeu  au dire et donnant l’occasion aux animateurs culturels de déclarer : « maintenant qu’on a longtemps travaillé sur le corps, on va travailler sur le texte » – effroyable morcellement quand l’évènement théâtral n’est surtout pas le rassemblement d’éléments juxtaposés, mais l’unité qui suscite maintes situations). Nous avons à nous battre pour faire sentir que les différents modes de représentation spectaculaire sont issus de la représentation théâtrale laquelle est la seule  à se souvenir – même si nombre de ses praticiens le refoulent – de ce que nous appelons le processus de Re-présentation. De plus, nous souhaitons étendre notre combat pour donner à entendre que la Re-présentation n’est pas exclusivement essentielle à la représentation théâtrale et à l’origine des représentations spectaculaires, mais aussi à la base de toute représentation de ce monde.

Et alors la subjectivité ? Quelle place tiendrait-elle par rapport au processus de Re-présentation ? Elle n’est pas première, elle se forme après et à côté de la Re- présentation qui, partout, historiquement et à chaque instant, la précède. Au fait, de quelle subjectivité parle-t-on ? Parlons-nous ou parle-t-on (?) parce qu’on semble ne parler que de la subjectivité telle qu’avec ses codes, une culture la conçoit. Nous souhaitons relativiser ce genre d’évidence, beaucoup d’autistes ressentent comme une agressivité l’attention que la subjectivité qui prévaut, leur porte. Ne serait-ce pas surtout leur(s) propre(s) subjectivité(s) – ils en disposeraient donc – qui souffrirai(en)t de cette agression ? Lors de notre dernière parenthèse, nous avons évoqué le morcellement induit par certaines « initiations » au théâtre qui travaillent le corps puis le texte. Il nous faut sortir le morcellement de cette parenthèse. Trop de points de vue sur l’être humain poussent à ce morcellement. Certes, différentes catégories de malades ont à faire au morcellement, il n’en reste pas moins que nombre d’autistes l’éprouvent. Et nous posons la question : est-ce que les interventions subjectives (pourtant bien attentionnées), vécues comme agressives par les autistes, ne renforceraient pas le morcellement ?

Evidemment, c’est le constant problème du soin et de l’éducation : il faudrait souffrir pour acquérir une meilleur santé et un meilleur savoir. Il faudrait souffrir pour avoir un meilleur comportement, mais il y a souffrir et souffrir…il y a ce dont on accepte (même si c’est en se débattant comme le pur-sang) de souffrir et ce dont on ne souffre pas de souffrir. Nous touchons là à certaines formes de délinquance qui, justement, ne sont pas de la délinquance proprement dite mais impliquent un refus radical des références de la subjectivité propre à une espèce et à une société particulière. Beaucoup de délinquants sont irrécupérables avec les moyens éducatifs, le principal obstacle étant culturel-psychique- et, quelque peu ,- organique. De toutes façons les autistes, et personne n’en a jamais douté, n’ont rien à voir avec la délinquance, d’ailleurs, osons le suggérer, ce serait déjà un progrès pour eux s’ils pouvaient, ne serait-ce qu’envisager, d’être délinquants. Nous irons même jusqu’à dire : en réalité, ce sont les autistes qui pourraient trouver nos comportements délinquants, notre agressivité subjective se parant des atours factices d’une théâtralité expressive.