En rappelant la secondarité de la subjectivité par rapport au processus de Re-présentation (nous l’avions déjà dit ou, du moins, fait plus que le sous-entendre), nous n’avons pas expliqué comment cette secondarité se mettait en place. Ce « comment » ne saurait se passer d’être une sorte de « pourquoi » tel que : « pourquoi la subjectivité se met-elle en place ? » La réponse immédiate paraîtra trop simple « la Re-présentation ne fait pas appel à la subjectivité pour être la Re-présentation », mais la subjectivité est appelée conséquemment et selon différentes guises. Même précisée, cette réponse ne suffit pas, il est besoin de l’expliciter et, pour ce faire, nous allons accomplir un détour qui, non seulement permettra de questionner l’autisme d’une autre façon, mais reposera d’une autre manière l’idée que l’on s’est faite du théâtre. L’autisme nous apprend, bien sûr, beaucoup de choses sur la condition humaine, de plus, il nous donne l’occasion de requestionner la représentation théâtrale.
Tout d’abord, il faut lever un risque de malentendu : la Re-présentation ferait appel à la subjectivité, passerait commande ou, en quelque sorte, intimerait l’ordre de venir, à celle-ci, comme le ferait un sujet vis à vis d’un autre sujet-objet, mais il ne s’agit pas de choses de même nature, cette comparaison est caricaturale. La Re-présentation n’est nullement un sujet anthropocentriste, ni non plus un super-sujet ordonnateur ! La Re-présentation ne fait qu’impliquer les conséquences de différentes guises subjectives. Toutefois, si nous avons employé, en faisant vite, l’expression « fait appel », c’est bien en raison d’un manque et que celui-ci ne soit pas ressaisi comme un manque pour une conscience – parce que la Re-présentation n’a pas de conscience -, n’enlève rien au fait qu’il manque. D’ailleurs, l’absence de conscience n’est-elle pas justement un manque ? Oh, certes pas le manque d’une conscience particulière (dont on a l’outrecuidance de penser qu’elle est la seule conscience), mais le manque de la possibilité de formes de conscience, donc de la possibilité de formes de subjectivité.
On ne manquera pas de demander d’où vient cette « chose » à laquelle la Re-présentation fera appel, de quel chapeau ou de quel ciel la Re-présentation la sortira-t-elle ? Si nous répondons qu’il ne s’agit ni de ciel ni de chapeau, on en conclura que la Re-présentation tire d’elle-même la subjectivité. La subjectivité serait de la Re-présentation et il serait inutile de s’étonner que la Re-présentation produise de la Re-présentation. Ce n’est pas si simple, il n’est pas question du même genre de Re-présentation, proposons une image : parmi tous les organes de tous les êtres vivants, certains produisent des substances qui, dans le cas où elles seraient absorbées, en tant que tel par ces organismes, les empoisonneraient. Bien sûr, ce n’est qu’une comparaison et « comparaison n’est pas raison », d’autant plus que la Re-présentation n’est ni un organe ni, non plus, une substance, mais cela suggère que la Re-présentation n’ait pas pour obligation de produire quelque chose identique à elle-même. En revanche, cela nous aide à comprendre comment nous libérer de la vision temporelle macroscopique, propre à notre espèce, qui nous impose de considérer la causalité des choses comme une grossière succession. La Re-présentation, grâce à son constant aller et retour ainsi que son perpétuel va et vient, implique la subjectivité (multiple), laquelle, dès son apparition, suscite le besoin qui conduit à faire appel à elle. Pour faire mieux sentir cette nuance, il nous faudrait prendre du temps pour expliquer que la matière, selon les espèces, se répartit en part de matière matérielle et en part de matière immatérielle, et que ces deux parts ne coïncident pas exactement, ce qui explique la possibilité du décalage permanent entre notre « conception immatérielle » et notre « perception matérielle » des choses, mais tel n’est pas ici notre sujet.
Ces précisions étant apportées, il est temps d’entreprendre le détour qui nous permettra de requestionner la représentation théâtrale.