Le processus de Re-présentation implique une subjectivité. Cette phrase exige des précisions, du moins, que soient exposées les alternatives qu’elle suppose. La Re-présentation implique-t-elle une nouvelle conséquence ou ce que, déjà elle renfermait – la conséquence de la Re-présentation est-elle constituée de ce qu’elle renfermait ? Ou, paradoxalement, ce que renferme la Re-présentation est-il dû à sa conséquence ? Ce n’est pas un jeu puéril que de poser ce genre de questions car, justement, ce « flou » aide à préciser ce que nous entendons par Re-présentation. Celle-ci rassemble parce qu’elle fait revenir l’un sur l’autre ce qu’elle a séparé et elle divise parce qu’elle sépare l’un de l’autre ce qu’elle a rassemblé. Le verbe » impliquer » se trouve ainsi libéré du corset de la causalité auquel nous croyons au niveau macroscopique qui est le nôtre. Ensuite, la phrase parle « d’une » subjectivité et non de la subjectivité. Une subjectivité parmi d’autres et non une prétendue subjectivité générale.
Toute subjectivité correspond, à chaque fois, à un présent, lequel s’inscrit, bien sûr, dans une succession de présents. Donc toute subjectivité, tant qu’elle perdure, s’articule avec différents présents. De son « côté », le processus de Re-présentation renvoie à la Présence et nous dirons que « c’est la Présence qui fait appel aux présents », mais, en ce qui concerne les absences, nous nous permettons de dire que, lorsque la Présence ne fait pas appel au moindre présent « c’est, qu’en creux, elle fait appel à une quelconque absence » (voilà pourquoi dans notre langue on ne parle pas, en l’occurrence, d’absents mais, tout aussi bien, des absences que de l’absence. La généralisation du mot subjectivité a poussé à accroire qu’existait une synthèse subjective (sur laquelle pouvaient s’appuyer certaines religions révélées).
L’énorme différence entre la Présence et les présents éclairerait ou illustrerait – si on voulait bien se donner la peine d’y penser – l’énorme différence entre le spectacle théâtral et tout autre spectacle, donc, en conséquence, l’énorme différence entre les jeux théâtraux et ceux qui ne consistent qu’à faire et dire (nous n’oublions pas que « dire c’est faire »). En tout cas, cette énorme différence doit être prise en compte dès qu’on parle d’un manque de mise en place du dispositif de la subjectivité chez les autistes. De quelle subjectivité parle-t-on ? Il n’y en aurait donc qu’une seule et chaque être humain serait sommé d’y adhérer ? Que faire, alors, de tous ces sujets qui apparaissent, nantis de présents, à l’appel de la Présence ? Il est vrai qu’on ne sait pas trop de quoi on parle quand on parle de sujet. On aurait plutôt tendance à exagérer et ne pas vouloir se tenir au raz de ce qui est.
Sous le prétexte que, grammaticalement, le « sujet » semble mouvoir les verbes, notamment le verbe être, on le prend pour une instance suprême, une causalité supérieure et l’on va jusqu’à considérer que la conscience « décisionnaire » qu’il a parfois acquise, est ce qui le fonde, si ce n’est ce qui le résume. D’abord, on oublie que le sujet tient tout autant un rôle passif (le sujet dont on traite) ; ensuite que le fait, la plupart du temps dans nos langues, de précéder dans les phrases les verbes, particulièrement le verbe être, n’est pas la reconnaissance d’une préséance divine et que les verbes ne sauraient justement être sans lui.
Avant toutes les qualités qu’on lui prête, entre autre celle de la subjectivité, le sujet remplit une fonction tout a fait fonctionnelle. On lui prête d’autant plus de qualité qu’on éprouve une grande difficulté à penser cette fonction basique. Au bout du compte, le plus difficile à penser n’est pas ce qu’il y a de plus complexe mais, au risque de la plus simple bêtise, ce qu’il y a de plus rudimentaire : le sujet est ce qui tient lieu de tout, donc il est le moindre tout, puisque chaque tout tient lieu d’un autre. Il est comme un « joint », étant entendu que tel ou tel joint joint d’autres joints. D’ailleurs, en menuiserie, en maçonnerie… le joint désigne aussi l’interstice (donc le vide infime) qui existe entre deux pièces accolées. Le processus de Re-présentation implique le sujet, donc il implique au moins un joint. En réalité, nous dirons que la Présence appelle un et plusieurs sujets qui se joignent, mais pour bien comprendre ce dire, il sera besoin d’encore examiner la différence entre la Présence et les présents.