Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 26

Posted by on Juil 4, 2014 in Blog

La formule  » le quatrième mur » de la part du premier metteur en scène officiel en France nous fait immédiatement penser à une autre formule, celle de Bruno Bettelheim « la Forteresse vide » pour désigner l’autiste et qu’il employa comme titre du livre paru en 1967, lequel le rendit célèbre aux Etats Unis et surtout en Europe. Il devint, enfin à la mode, en dehors des milieux médicaux, de parler de l’autisme. Rien que pour ça, on doit rendre hommage à Bettelheim, mais ce n’est pas aussi simple : pour notre part, nous ne disposons pas de la compétence pour dire si Bettelheim fut un génial affabulateur ou un thérapeute de génie. Nous laisserons le soin de trancher aux historiens et aux psychanalystes, toutefois nous nous permettrons de remarquer deux choses : le reproche d’affabulation que beaucoup lui adressent entre en coïncidence avec le thème de son plus grand succès éditorial (accusé, d’ailleurs, par certains d’être un plagiat) : « Psychanalyse des contes de fée »(1978). Ensuite, la formule de « la Forteresse vide » est à rapprocher de la façon dont en 1990, il se donna la mort  en s’asphyxiant dans un sac plastique. Un sac plastique dans lequel on emprisonne sa tête pour se suicider, est une sorte de forteresse vide. Nous savons bien qu’il n’est plus tellement de mise de comparer terme à terme les oeuvres d’un auteur (ne le fut-il pas toujours) avec sa biographie, il n’en reste pas moins qu’il s’agit, en l’occurrence, tant du côté littéraire que du côté biographique, de présents et que ceux-ci peuvent, selon les angles d’observation, se joindre comme se contredire. Nous parlons bien ici de présents dans le droit fil de notre étude, de présents différenciés de la Présence. Dans l’ensemble d’une vie et d’une oeuvre, ces présents, selon les points de vue, peuvent être dissociés ou au contraire cohérents et, dans ce cas, il est possible de  ressentir pour soi-même, ou de parler pour une personne autre, d’une subjectivité. Telle ou telle subjectivité est composée par un observateur, ou par le sujet lui-même, d’une suite d’éléments associés ou hélas d’un ensemble d’éléments dissociés mais, dans les deux cas il ne s’agit pas de pièces dotées de vie, seulement de pièces d’un puzzle qui n’existent qu’au moment de leur confection et au moment de leur recomposition. Il y a une grande différence entre les présents et la Présence. Ceci nous renvoie à l’invention de la séance psychanalytique qui n’existe que de la parole ou du silence (donc d’avatars de la Présence).

Superficiellement, les deux formules, « le quatrième mur » et « la forteresse vide »,  évoquent des états différents : le quatrième mur laisserait entendre qu’il n’y a pas de mur concrètement infranchissable entre le spectateur et la scène « pleine », tandis que la forteresse vide constaterait que se dresse un mur infranchissable entre nous et une psyché prétendument désertée. En réalité, si le quatrième mur est positivement franchissable, théâtralement il est infranchissable (cela n’empêche pas les tenants de la « participation » de faire monter le public sur la scène et de faire, ainsi, succéder le spectacle au théâtre) ; et si la muraille de la forteresse nous paraît infranchissable, en tout cas, nous aurions tort de croire qu’il n’y a rien derrière. Les deux formules, apparemment hétérogènes, si ce n’est contradictoires, renvoient à un même principe, celui du retrait de la Présence. Celle-ci, au théâtre, se représente par l’absence de mur, et, vis à vis des autistes, elle se trouve masquée par l’opposition de deux types de présents : un présent de défense et de protection d’un côté, un présent d’évidence et de convention de l’autre.

rien n’est jamais vide, essayez donc d’obtenir un récipient rigoureusement et vraiment vide, rien ne parvient à toucher pleinement au Rien. Bruno Bettelheim croit que la forteresse est vide pour la simple raison qu’il croit que « quelque chose » c’est, au moins, de l’affect ou, du moins ce, qu’avec ses contemporains, il tient pour les seules manières d’affect.  Ce que les présents qu’il a coutume de sentir et penser, lui permettent de percevoir. Ce que l’idéologie de la subjectivité dit qu’il faut prendre en compte. Et bien si les autistes ne sont pas traversés par des affects de bonne manière, ils sont traversés par des significations si fines qu’on se trouve tout ébaubi quand l’un d’entre eux se livre à un calcul incalculable pour quiconque ou pointe une note de musique que l’imagination commune était incapable d’entendre.