Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 30

Posted by on Juil 18, 2014 in Blog

Nous venons de dire qu’en se penchant  sur le témoignage de certains « Asperger », « il est intéressant de constater que nous recroisons beaucoup de questions que nous avons subodorées, notamment en ce qui concerne le « sujet » ». On sera tenté de nous répliquer que c’est exactement le contraire et que nous devrions plutôt conformer notre réflexion à ce que pensent les trois amis psychanalystes (ils sont loin d’être les seuls à penser ainsi) lorsqu’ils nous déclaraient que l’autisme est surtout un manque de mise en place du dispositif de la subjectivité. Force nous est de reconnaitre « qu’en gros » ils n’ont pas tort, mais il ne faudrait pas non plus trop forcer la note et croire qu’il n’en n’existe qu’une seule dans les partitions des individus. Nous passons autant de temps à revenir sur le sujet du sujet, parce que la problématique de celui-ci est beaucoup plus fine qu’il y paraît et que le théâtre nous aide à la reposer dans un ordre moins convenu.

Si « mettre en place le dispositif de la subjectivité » consiste à mettre en place le dispositif de la subjectivité ainsi qu’on la conçoit et dont l’expression a cours dans nos sociétés, nos trois psychanalystes ont « en gros raison ». En revanche, si nous nous permettons de questionner la notion de sujet à la lumière de la re-présentation théâtrale, à la lumière du processus de Re-présentation, le sujet devient justement plus nuancé, si ce n’est plus problématique. D’abord, il n’y a pas un sujet, selon une seule modalité, à l’exclusion de tout autre. Bien sûr, l’utilisation d’un type de sujet tel que nous nous le représentons dans nos sociétés nous aide à vivre au sein de celles-ci,il serait irresponsable de prétendre en faire fi. D’une certaine façon, nous avons besoin d’un tel type de sujet pour nous intégrer et évoluer sociétalement et nous serions criminels de ne pas vouloir le faire partager, peu ou prou, à ceux pour lesquels il se trouve exclu. Toutefois, afin de parvenir à cela, il est nécessaire de comprendre qu’il n’y a pas une- subjectivité-un- point- c’est- tout. De manière très simple, trop simple aux yeux de certains, le théâtre avec ses multiples personnages suggère d’autres voies – encore faut-il ne pas vouloir jeter les personnages aux orties (il est intéressant de noter que depuis les premiers pas du symbolisme poétique, l’expansion du  formalisme dans les domaines des arts et de l’écriture est parallèle, dans notre société, à la réception en pleine figure, ainsi qu’à la découverte, de ce que l’on appellera l’autisme). Attention, quand nous parlons de personnages nous ne les confondons pas avec des silhouettes, caricatures, figurines, qu’on ne cesse de signifier et d’indiquer et à l’encontre desquelles nous émettons les plus grandes réserves, de même nous regrettons que, dans le combat opposant depuis plusieurs millénaires le « dire » et « l’expression » au « jeu », ce dernier soit en train de rendre les armes.

Imagée au moyen de la métaphore des deux miroirs, la Re-présentation implique entre ces deux miroirs, le sujet témoignant de l’effet de leurs reflets. Un témoin n’est pas obligatoirement un être vivant ni non plus conscient, il peut s’agir d’un joint rudimentaire, élémentaire, dont on dira qu’il « perçoit » les autres dans la mesure où tous les joints pèsent les uns sur les autres (ils conjoignent, se joignent, mais aussi se disjoignent et « contre joignent »). Ce poids réciproque justifie dans notre langue l’emploi du terme « sujet » aussi bien dans un sens passif (le sujet traité par le sujet) que dans un sens actif (le sujet traitant le sujet). Toute parcelle de matière (concrète ou intellectuelle) peut être tenue pour un sujet – tant comme cause, support, produit.

Aux yeux du théâtre, le spectateur est le premier sujet, le premier auquel on s’adresse (on peut être son premier spectateur) et le premier qui témoigne de l’existence de ce qui le provoque. Comme la matière (concrète et intellectuelle), les sujets sont infiniment divers et le problème est de déterminer sur lequel de ces sujets on s’appuie pour fonder sa subjectivité. En pointant cela, nous allons encore donner l’impression que les psychanalystes avaient bien raison d’affirmer que l’autisme était un manque de mise en place du dispositif de la subjectivité, sauf que le sujet n’étant pas un, la subjectivité n’est pas une faculté unique. C’est le cas de le dire avec l’autisme, il y a subjectivité et subjectivité.