Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 35

Posted by on Sep 12, 2014 in Blog

Une grande analyste a la gentillesse de prendre sur son temps pour nous relire. Regard attentif et bienvenu. Elle nous met en garde : nos dernières notes risquent de donner à accroire que les « projections » se limiteraient à des projections conceptuelles alors qu’elles sont tout autant fantasmatiques ». Nous lui avons déjà répondu que, non seulement elles risquaient de le donner à accroire, mais que nous étions d’accord pour émettre ce genre d’hypothèse. La problématique de la « projection » nous semble beaucoup plus complexe et ambiguë que la logique nous pousse à la concevoir. Au premier abord, nous nous étions demandés pourquoi le phénomène de « projection » ne s’appliquerait qu’à des abstractions conceptuelles et pourquoi il ne s’appliquerait pas aussi à des imageries plus sensibles, telles que les fantasmes. Nous avons été rappelés à l’ordre dès que nous est revenu à l’esprit que, nous inspirant du théâtre, nous entreprenions notre réflexion à partir du processus de Re-présentation. La mise en garde était bienveillante et légitime, mais s’appuyer uniquement sur la légitimité conférée par l’état actuel des connaissances analytiques donne-t-il la possibilité d’entendre rigoureusement ce qu’est une projection ?  Que l’on ne se méprenne pas, ces propos ne nient pas du tout l’apport majeur de la notion de « projection » dans les questions psychologiques. Il s’agit plutôt de souligner ses lignes de force en distinguant les moments où son efficience spécifique ne fait aucun doute et les moments où son intervention se mêle à d’autres. Nous avons bien remarqué que, comme tout un chacun, nous passons notre temps à nous livrer à des projections sur les êtres et les choses qui nous entourent quitte à ce que notre psyché, en leur dressant des procès fallacieux, se décharge de sa culpabilité, mais en utilisant, à tout bout de champ, le terme de projection on risque, involontairement, de ne plus se référer rigoureusement à ce que son champ sémantique délimite.

Quand on projette, on lance en avant, on envoie loin devant soi, c’est à dire hors de son périmètre, si ce n’est hors de soi. Certes, on parle aussi de « se projeter », c’est à dire :  soit qu’on se représente dans l’esprit tel un objet dont on imagine qu’on le fait aller à quelque distance dans l’espace ou le temps, soit qu’on jette son corps dans une situation extérieure. En « se projetant », on croit se séparer en deux objets, l’un mental, l’autre physique, dont on jette l’un devant soi, tout en oubliant l’autre. Qu’on projette ou qu’on « se projette », il s’agit toujours de lancer un objet sur quelqu’un ou quelque chose, donc toujours d’un rapport à l’autre quitte à ne pas prendre celui-ci pour ce qu’il est et à se reconnaître à travers lui tout en s’y refusant. Ce phénomène de reconnaissance/non reconnaissance est une des versions du « refoulement ». Heureuse apparition de la notion de « refoulement » qui nous donnera l’opportunité de mettre en lumière les points communs entre le processus de refoulement et le processus de Re-présentation.

Auparavant, il est besoin d’expliciter notre réponse à la mise en garde qui nous fut faite quant à la « projection » : la « projection » implique une distance, ou du moins une extériorité, entre ce qui projette et ce sur quoi cela est projeté. Certes, ce qui se représente est renvoyé de l’un à l’autre – si ce n’est de lui-même à lui-même -, donc, plus ou moins, « projeté » l’un sur l’autre, toutefois, au niveau basique du processus de Re-présentation, il s’agirait d’un abus de langage qui impliquerait déjà des extériorités en train de s’établir. Tenir la projection fantasmatique pour première revient à croire que la distance entre les êtres existe déjà avant ces êtres. On a là un beau débat philosophique dont l’objet consisterait à savoir si une certaine distance ne serait pas inhérente à la formation des êtres et des choses en eux-mêmes, néanmoins il nous paraît plus raisonnable d’attendre que ceux-ci se soient formés avant que de parler de projection de l’un à l’autre. A cette condition, la projection fantasmatique n’est pas primordiale, il est nécessaire d’attendre « l’extériorité » et celle-ci, ô surprise, passe (c’est le cas de le dire) par la signification. Evidemment, entrainés que nous sommes à l’emploi des langages et des langues, nous ne saurions nous départir, à leur endroit, d’une grande admiration et nous sommes surpris qu’on veuille leur dévoluer un rôle primaire. Nous avons bien raison, d’autant plus que nous avons le plus grand tort de confondre langue et signification. La signification est, en premier lieu, de l’ordre de la communication. Avant que de, soi-disant, porter les objets qu’on est censé communiquer, elle est la marque de la distance, donc de « l’extériorité », quand bien même  celle-ci ne se trouverait pas comprise par une conscience  prétendument intelligente mais simplement perçue par les choses.