Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 37

Posted by on Sep 19, 2014 in Blog

Une grande hypocrisie consiste à feindre d’être encore plus ignorant qu’on ne le soit déjà ( toutefois, en disant cela, nous ne pratiquons nullement une quelconque « fausse modestie » car nous sommes conscients de la grande mesure de notre ignorance). En prétendant que  » le rapprochement effectué par notre observation et notre  réflexion nous pousse à dévoluer au refoulement une place beaucoup plus « originaire »… » nous paraissions d’autant plus prétentieux que nous avions l’air de ne pas savoir que le « refoulement originaire »* est une notion très importante chez Sigmund Freud. Il ne s’agissait pas, de notre part, d’hypocrisie  mais de pointer discrètement (à la rigueur, à l’intention des spécialistes) le halo d’obscurité qui entoure cette notion dans ce que nous connaissons de l’oeuvre de Freud. Au bout du compte, levant toute ambiguïtë quant à notre attitude, nous allons prendre quelques instants pour effleurer ce débat. Selon Freud, afin qu’une représentation soit refoulée il lui est nécessaire non seulement, de subir la pression de « l’instance supérieure », mais aussi « l’attraction de contenus déjà inconscients ». On aurait donc à faire à une double action : à la fois celle d’une instance, plus ou moins extérieure à cette représentation, et celle de l’inconscient. Encore faudrait-il que cette instance et cet inconscient existent !  Et qu’en est-il des contenus inconscients qui n’ont pas encore été formés? Freud stipule donc l’existence d’un « refoulement originaire » à la différence du « refoulement après-coup » (refoulement habituel).

Nous n’avons pas légitimité de commenter l’oeuvre de Freud (notamment le lien entre le « refoulement originaire » et la notion de « fixation »), toutefois, nous nous permettrons de maintenir ouverte la porte que nous avions entrebâillée entre le processus de refoulement et le processus de Re-présentation. A notre avis, Freud, au moment où il émet l’hypothèse d’un » refoulement originaire », se croit obligé de le distinguer du « refoulement après-coup » pour la bonne raison qu’il se trouve corseté, en dépit de sa force d’imagination, dans une grille culturelle et idéologique. Dans un premier temps, il lui était obligatoire de penser qu’un refoulement avait lieu « après-coup » et ce fut, de sa part, un saut intellectuel remarquable que d’envisager qu’il puisse exister une catégorie de refoulement qui soit « originaire ». Lui faisait défaut, à l’époque – encore qu’à la nôtre elle ne vienne pas systématiquement à l’esprit, particulièrement à celui des gens de théâtre – la notion théâtrale de Re-présentation. Le processus de Re-présentation, à l’image des représentations qui lui sont conséquentes, adopte le caractère « d’après- coup », mais, à sa différence, il bénéfice aussi du caractère de « premier coup ». En l’occurrence, nous venons d’éviter l’adjectif « originaire » (que nous pourrions bien sûr employer) et lui préférer celui de « premier coup » parce qu’il ne faudrait pas affirmer qu’il existât une origine unique dans l’histoire à laquelle ne succèderaient que des représentations et des après-coup. Selon la logique de la Re-présentation, ce que serait un « avant-coup » ou « coup originaire », ne serait, à chaque fois, qu’un « après-coup » comme les autres, parce qu’après tout si, au pocker, dès le premier tour, nous réalisons un coup d’enfer, ce premier coup ne viendra qu’après le coup de sonnette qui annonce le début de la partie, lequel ne viendra qu’après le coup frappé à la porte du casino pour y entrer…etc. Aussi heureux soit-il, un premier coup n’est qu’un coup parmi les autres, mais, d’une certaine façon n’importe quel coup est toujours, aussi, « originaire ».

Freud était un thérapeute et, comme tel, confronté à la mort de l’individu, donc en conséquence interpellé par sa naissance, donc par son origine, laquelle sous-tendit la dynamique de sa réflexion. Même si l’inventeur de la psychanalyse fut passionné par le théâtre – n’oublions pas qu’Oedipe est un personnage essentiel du répertoire théâtral -, il ne se consacra pas aux conditions de la faisabilité de celui-ci et s’en tint à son histoire textuelle. Au moment où il réinventa le terme de « refoulement » (sous la réserve des différences de traduction), il n’est pas impossible que l’implicite de ce que nous appellerons « Re-présentation » ne se soit glissé dans sa pensée. Evidemment, l’inconscient permet de prêter aux autres des sensations qu’ils n’ont pas éprouvées et le théâtre est bien loin de l’idée de la mort qui hante l’esprit de tout thérapeute. Avec la Re-présentation, le théâtre en est éloigné, bien qu’il feigne de partager, aux yeux de tous, l’existence (et la mort) de tant de personnages ; toutefois, sa feinte, grâce à la Re-présentation, est bien vivante et si le théâtre, au travers de tous ses thèmes, donne l’apparence de partager la vie douloureuse des individus, c’est, au contraire, en s’attachant au « mécanisme » qui le fait être que l’on comprendra mieux le mal être de chacun. Nous en voulons pour preuve les questions qu’il nous fait nous poser à propos de l’autisme.

* Cf.  le « Vocabulaire de la Psychanalyse » de J. Laplanche et J.-B. Pontalis. Presses universitaires de France. 1967. Plus particulièrement « refoulement originaire » p 396, 397, 398.