Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 41

Posted by on Oct 3, 2014 in Blog

Que voient les autistes profonds ? Il existe certes des témoignages, mais des témoignages de la part de qui ? D’anciens autistes profonds ? d’autistes qui « s’en sont sortis » ? Ces témoignages ne risquent – ils pas d’avoir été réécrits ? et ceci de deux façons : soit les instances éditrices on fait réécrire par un écrivain professionnel, afin de rendre le témoignage communicable, c’est à dire compréhensible, donc admissible car la raison n’entend que ce qu’elle admet, soit « l’ancien autiste profond » a réécrit lui-même son témoignage, en l’écrivant. Certes, quelle est la différence exacte entre réécriture et écriture ? Celle-ci n’est-elle pas toujours une réécriture pour la bonne raison qu' »écrire » demande d’utiliser  des moyens qui, allant de la technique à la signification (ou inversement – nous ne trancherons pas), ont déjà été employés dans tous les sens ? Parce que le passage de l’autisme profond à « l’Asperger », à supposer qu’il soit possible (ne risque-t-on pas de  prendre certains pour avoir été des autistes profonds alors qu’ils ne l’ont  jamais été ?), est un saut incommensurable par rapport au domaine de la signification et nous sommes en droit de nous demander si l’on possède encore les moyens de relater un passé qui les entraine en s’effaçant. La question du témoignage nous est difficile à maîtriser. Nous ne sommes pas les derniers à nous référer à certains témoignages, mais nous tenons à souligner que nous les prenons en compte dans la seule mesure où les moyens employés par leurs auteurs pour les exprimer se tiennent, plus ou moins, dans la même dimension que celle des faits et des situations qu’il prétendent rapporter. D’ailleurs, nous nous gardons bien de vous les présenter sous la forme de citations car nous ne voudrions pas que celles-ci deviennent des preuves irréfutables sur lesquelles s’appuieraient nos hypothèses (qui ne sont que des hypothèses).

Les autistes profonds voient-ils, entendent-ils, goûtent-ils, reniflent-ils ? Bien sûr, sauf dans le cas où ils sont aveugles ou sourds ce qui n’est pas la même chose que faire partie d’une catégorie ou d’une espèce qui n’en n’aurait pas, en général, les potentialités. Les autistes profonds reniflent, goûtent, entendent et voient, mais ces facultés ne sont pas semblables à celles de tout un chacun parce que les facultés de ce dernier sont redoublées clairement par la « signification ». Attention, nous n’avons pas dit qu’elles étaient redoublées par « l’intelligence », encore que la signification étant, avant tout, un champ de communication, il soit possible de la confondre avec l’intelligence au sens  » d’en intelligence avec « , comme l’on parle « d’intelligence avec l’ennemi ». Nous touchons là au problème des premières évaluation établies par rapport à un autiste tant que  que l’on n’a pas diagnostiqué « son autisme ». A notre époque, cette catégorie se trouve intégrée dans les usages , mais cela n’empêche pas que, malheureusement et trop souvent, on crut avoir à faire à quelqu’un de profondément bête. Nous sommes tous des bêtes, mais il y a des animaux plus intelligents que les autres, et, justement, ce rapport à l’intelligence fausse la question. L’intelligence est toujours, en dépit des nuances, « une intelligence avec » et l’on trouve intelligents les individus qui partagent nos codes et nos représentations, car si l’on s’est mis à apprécier les personnes qui ont d’autres critères de civilisation, c’est en raison d’une mode de l’intelligence sensible à l’exotisme. Une mode est une forme de partage, malheureusement beaucoup d’autistes ne semblent pas partager grand chose avec qui que ce soit. Le danger consiste à confondre la pensée avec l’intelligence. On oublie que pour être intelligent il est besoin de bénéficier de la pensée et que celle-ci ne se résume pas aux intelligences qui ont cours. La pensée commence, au long de l’histoire mais aussi à chaque instant, bien avant telle forme d’intelligence ou telle autre. La pensée est en-deça des intelligences, même si on se sert d’une intelligence  particulière pour se mettre à élaborer une « pensée » (soi-disant intelligente).

Les autistes profonds voient, entendent, goûtent et reniflent, ils sentent et le théâtre nous a fait découvrir que la pensée commençait avec la sensibilité, laquelle est issue et représente le processus de Re-présentation. A ce compte-là, nous direz-vous, les arbres et les plantes pensent et pendant qu’on y est pourquoi pas la simple matière ? Qu’un grain de sable ou un grain de blé puissent penser est une hypothèse absurde tant qu’on n’a pas abordé la fonction de l’acteur de théâtre qui consiste à jouer ce grain de sable ou de blé, qui consiste à jouer – et non à se contenter de le signifier – tout personnage. Malheureusement si, en dépit de sa souffrance, l’autiste goûte plus de choses qu’on ne le croit, il semble ne pas goûter le théâtre, mais l’enjeu n’est pas de faire aimer le théâtre aux autistes, il est, grâce à l’autisme, de mieux comprendre le fond du théâtre et, à partir de celui-ci, de se poser de nouvelles questions au sujet de l’autisme.  » Si, en dépit de sa souffrance,… » Oui l’autiste souffre, et ce constat, malheureusement trop évident, relègue au second plan les beaux débats quant à son intelligence.