Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 46

Posted by on Oct 21, 2014 in Blog

En rappelant que nous n’avions aucune compétence pour trancher la question de savoir s’il est pertinent d’intégrer les autistes profonds et les « Asperger » dans un même ensemble, nous avons argué d’un minimum de modestie, mais nous avons évité une question qui touche le plus grand nombre d’individus. Qu’en est-il des autistes que l’on ne peut ,certes, qualifier de profonds, mais qu’il est difficile de classer parmi les « Asperger » ? Question d’autant plus importante que ces « entre-deux » constituent la majorité des autistes. C’est comme au théâtre, il n’est pas toujours aisé de déterminer si un acteur pratique un théâtre au plus proche de la Re-présentation ou s’il ne fait que se livrer à une interprétation expressive et significative. La plupart du temps, la plupart des actrices et des acteurs se tiennent entre les deux (et ceci heureusement pour la qualité du spectacle).

Nous proposons donc une autre comparaison, celle des fuseaux et des décalages horaires que les humains (sous la houlette des civilisations occidentales) ont imposé dans la lecture du planisphère. Si nous sommes le 1er Juin et qu’après avoir pointé notre doigt sur Londres à 0 heure,  nous le fassions glisser promptement vers l’Est, il atteindra, au-delà de la Nouvelle-Zélande, une ligne auprès de laquelle on sera toujours le 1er Juin mais, déjà à midi. Au moment où il est 0 heures à Londres, 12heures sont à ajouter au-delà de la Nouvelle-Zélande. Maintenant, si notre doigt avait effectué le même glissement toujours en partant de Londres, mais cette fois-ci en se dirigeant vers l’ouest, lorsqu’il serait arrivé à la hauteur de cette ligne, qu’il aborderait avant d’être à l’aplomb de la Nouvelle-Zélande, ce n’est pas 12 heures qu’il aurait fallu ajouter, mais 12 heures qu’il aurait fallu retrancher et l’on se retrouverait toujours à midi, mais cette fois-ci le 31 Mai ! Pourquoi ce point d’exclamation car, depuis Philéas Fogg*, tout le monde le sait ? Le savoir n’est pas l’éprouver, le ressentir. Se le représenter consiste peut-être à le présenter à son esprit, mais ce n’est pas le Re-présenter, donc on sait qu’en allant vers l’est, on finit par gagner une journée mais on ne le sait pas profondément, de même qu’on ne sait pas profondément qu’elle est la différence entre deux êtres.

Il existe deux versants à cette différence : d’un côté une pente si douce qu’on ne voit pas trop de changement entre l’horaire de Londres et l’horaire de Paris, entre l’horaire de Paris et celui de Berlin, entre celui de Berlin et celui de Kiev… De l’autre, non plus une pente mais une verticale. Remarquez, cette verticale est trompeuse, que l’on se tienne d’un côté ou de l’autre de la » ligne de changement de date », arbitrairement tracée au large, à l’est, de la Nouvelle-Zélande, il sera, par exemple, toujours midi, sauf qu’à l’ouest de la ligne on sera, dans cet exemple, le 1er Juin, tandis qu’un millimètre plus loin, à l’est, on ne sera que le 31 Mai. Au milliardième près, à quel moment et à quel point concret sera-t-on à telle date ou à telle date ? Allez savoir, selon un certain point de vue c’est une question d’entendement et de concept, selon un autre cela devient une question de fondement et de sensation. Ce qui complique le problème est que ces deux point de vue sont, à chaque fois, impliqués pour chacun des deux versants, celui de la pente douce et celui de la verticale.

Selon un certain point de vue, « la pente douce » est entendue comme une droite dont l’orientation importe peu, mais dont l’objectif est de tracer un ensemble avec de multiples points. Selon un autre, elle est sentie comme une entité dont la répartition importe peu, mais dont la vocation est de mêler les différents aspects d’une même espèce.                                                                                                                                                                   Selon un certain point de vue, « la verticale » est conçue tel un hiatus dont la nature des deux voyelles importe peu, mais dont le but est de marquer une frontière quelle qu’elle soit. Selon un autre, elle implique une défense dont la justification par rapport à la réalité d’un empiétement importe peu, mais dont l’urgence est de se protéger de la moindre perception.                                                                                                   Le premier point de vue de « la pente douce » s’entend comme un filtre significatif, tandis que son second se rapproche d’un sentiment.                                                                                                                                                 Le premier point de vue de la « verticale » se pense comme un refoulement conceptuel, tandis que son second se ressent telle une réaction de défense basique.                                                                                                             Tous les points de vue sont envisageables, comme tous les caractères humains cohabitent, même si les tenants de chacun ne veulent rien connaitre des autres. Chacun relève d’une guise ou d’un niveau différent : la signification, le sentiment, le refoulement, la défense (qui ne sont pas présentés ici dans un ordre didactique).

L’honnêteté nous force à reconnaitre qu’il est impossible de se livrer à un classement factice qui consisterait à faire correspondre chaque soi-disant type de personnalité – autiste profond, autiste moyen, « Asperger », personnalité dite normale –  à l’un des points de vue que nous venons d’esquisser. La seule chose que nous nous permettrons de remarquer est que ces ensembles se tiennent entre deux pôles, pourtant apparemment proches, celui de la défense basique et celui d’un refoulement excessif  dans le cas des  « Asperger ».  Le temps nous semble venu d’affronter le problème de la signification, particulièrement celui de la relation que les « Asperger » entretiennent avec elle.

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