Comment le Théâtre contribuerait à un meilleur questionnement de certains aspects de l’Autisme 49

Posted by on Oct 31, 2014 in Blog

Dans cette avant-dernière note nous évoquerons le statut particulier de la signification par rapport au processus de Re-présentation. En premier lieu rappelons que nous entendons la signification selon deux acceptions : d’abord en tant que fil de communication, ensuite comme objet à communiquer ( nous avons déjà dit que ce fil, cette faculté de communication, peuvent être le contenu de la communication – la forme, en elle-même , pouvant être non seulement un contenu, mais le sien propre !). Habituellement l’opinion ne reconnait que la seconde acception, tant elle en est venue à croire que  le monde et chacune de ses parties sont les contrecoups d’un objet supérieur (divin puis causal). Tant elle est prête, à chaque fois, à prendre pour origine des « après-coups »  qu’elle sublime et dont elle ne comprend pas pourquoi on les appelle ainsi, ce qui explique, d’ailleurs, pourquoi elle n’entend pas la notion de Re-présentation à laquelle elle préfère naturellement celles de création ou de production.

La signification « en tant que fil » n’est pas intrinsèque au processus de Re-présentation. Certes, de façon rationnelle, on serait enclin à juger que sans « faculté de communication », il soit difficile pour les parties d’un tout de se représenter les unes aux autres, mais encore faudrait-il qu’il y eût déjà des parties alors que c’est au processus de Re-présentation de susciter leur différence avant que de les susciter elles-mêmes.  Inversement au cours de l’opinion, la différence suscite les différences entre les objets et, pour sa part, elle est suscitée par un processus dont on ne perçoit pas la trace mais seulement, comme pour cette différence, les traces (qui forment le monde). Ce n’est pas par hasard que les authentiques psychanalystes s’efforcent (en vain) de faire comprendre qu’il ne suffit pas, pour se guérir, de se remémorer un évènement traumatique, à l’instar des héros du cinéaste Hitchcock, car ce traumatisme n’aura été que le réveil d’un traumatisme imperceptible, « originaire ? » (qui n’est surtout pas le traumatisme de la naissance, ni un simple traumatisme plutôt, peut-être, le choc, toujours ressenti mais jamais pressenti, dû au dénuement du rien). L’opinion, même intellectuelle, est rétive à ce genre d’hypothèse et nous pouvons aller jusqu’à nous demander si celle de certains de ces authentiques analystes, au fond, ne l’est pas moins.

Même si elle lui est inhérente, la signification « comme fil » n’est donc pas intrinsèque au processus de Re-présentation. Elle en constitue une sorte de produit supplémentaire, mais quel destin pour ce supplément ! qui sera utilisé par la plupart des espèces vivantes pour le ressaisissement de la matière auquel elles procèdent. C’est théoriquement le cas pour les êtres humains, sauf, peut-être, ceux qui sont comparables à celui des autistes profonds. De leur côté, les « Asperger », ainsi que certains « autistes moyens », utilisent, grâce à la mise en place du refoulement, le fil de la signification, mais leur utilisation n’est pas exactement la même que chez les individus dits normaux.

Revenons à l’image de nos deux miroirs face à face. Nous avons expliqué qu’il leur était besoin de quelque chose entre eux afin de percevoir leur effet. Ce quelque chose, dont le rôle au théâtre est tenu par le spectateur, est le « sujet ». Comment ce sujet peut-il, dans notre fors intérieur, se constituer ? De quel support peut-il bénéficier ? Il se constitue autour du fil de la signification, lequel ne manquera pas d’être investi par de la signification selon la deuxième acception, c’est à dire en tant qu’objets de signification. Quelle serait donc, alors, la différence entre l’autisme et la « normalité » ?

Nous comprenons parfaitement nos amis psychanalystes nous rappelant que l’autisme était une défaillance du dispositif de la subjectivité, mais, tout d’abord, les « autistes profonds » n’en sont pas encore là, ensuite les « Asperger », ainsi que certains « autistes moyens », s’ils se sont retrouvés raccrochés à la signification « en tant que fil », c’est en raison d’une acquisition du refoulement qui n’est pas identique à celui des autres personnes. Voila pourquoi nous nous sommes permis d’avancer que la subjectivité ne constituerait pas le problème primordial de l’autisme. Les autistes qui se trouvent raccrochés au fil de la signification y sont parvenu grâce au refoulement mais celui-ci n’est pas identique en ce qui concerne son fonctionnement habituel, notamment sur un point fondamental- et que nous n’aurons pas l’outrecuidance de réellement traiter ici – celui de la sexualité.

Nous nous contenterons d’esquisser une piste : lorsque, faisant appel au fil de la signification, la re-présentation humaine institue le sujet, cela ne se passe pas comme chez les autistes. Le refoulement n’est pas aussi contraignant, et la plupart des mentalités pensent (inconsciemment) que la sexualité renforcera ce sujet en constitution. Un réflexe compréhensible puisque la sexualité est liée à la reproduction de l’espèce, donc à la filiation qui est homologue au fil de la signification ( à ce sujet, il faut noter, la prégnance de la filiation dans nombre de civilisations qui s’en remettent à la monarchie et à la suzeraineté héréditaires – elles se tourneront vers le choix démocratique si elles se mettent à croire en une filiation que l’abstraction rend plus forte ; et les coups d’Etat et les révolutions ne sont que des « mains-mises sur » ou des coupures de ce fil). Quand nous évoquons la « sexualité », nous nous référons logiquement à une reproduction sexuée faisant appel à des individus égaux mais différents. Nous nous permettons même de penser que la sexualité est née de cette nécessité de coopération de différences, propre à certaines espèces, pour la reproduction, quand bien même, très rapidement le plaisir et l’érotisme se sont mis à occuper une place aussi importante que la fonction reproductive. Nous ne pensons pas que la scissiparité eut induit une sexualité au sens où l’entendent tous les individus bien qu’ils ne l’associent pas consciemment et systématiquement à la reproduction de l’espèce. Dans le cas des autistes qui « s’en sortent », le problème se pose différemment : chez eux  la filiation serait avant tout une priorité accordée au fil de la signification.