Les Chiffres au fond des nombres (sous le regard du Théâtre)

Posted by on Juin 23, 2015 in Blog

Le Théâtre peut parler de ces grandeurs profondes que sont les Chiffres. Pour suivre plus facilement cette étude je vous conseille, à chaque fois, de vous référer à la séance précédent

III. Les Chiffres entrent en scène

Au Théâtre, qu’est-ce qu’une scène ? Ce peut-être l’espace sur lequel on monte lorsqu’on « monte en scène » afin de répéter un spectacle ou de le représenter. Ou, plus subtilement (et plus magnifiquement), ce domaine quasi mythique dans lequel on pénètre afin, justement, de « se donner en spectacle ». Dans ce deuxième cas, théoriquement, les techniciens et tous ceux qui participent à l’organisation matérielle du spectacle n’entrent jamais en scène. Mais cette interdiction ne s’attache pas à la différence fondamentale qui existe entre tout spectacle et le Théâtre. Ceux qui « entrent en scène » y procèdent pour faire quoi ? Pour accomplir une action aux yeux d’un public ou pour jouer quelque chose ? Nous ne venons pas de dire « pour jouer de quelque chose » mais, plus radicalement, « pour jouer quelque chose ». Il ne s’agit pas de jouer d’un instrument, il s’agit de jouer tout simplement. Facile à dire, encore faudrait-il pouvoir jouer quelque chose. Depuis des siècles la réponse est lapidaire : « jouer une scène ». Mais, alors, qu’est-ce qu’une scène ? Apparemment, ce n’est plus seulement un espace, fut-il quasi mythique, c’est aussi un déroulement. A notre époque, on pense aussitôt à un rouleau de papier que l’on déroule pour y voir s’y succéder des signes écrits. Ceci explique que dans l’esprit de beaucoup, la scène « comme déroulement » soit avant tout, un déroulement littéraire que, d’ailleurs, l’Occident a surtout caractérisé en tant que celui d’une écriture orale qu’il ne restait plus qu’à jouer. Et voilà le jeu rangé à l’étage inférieur de la bibliothèque ! Voilà le Théâtre devenu subalterne, de même façon que la vieille mère qui l’a mis au monde n’est plus bonne qu’à servir la table du fils qui a hérité de la ferme.

La scène est non seulement un espace sacré mais aussi ce qui, plus que ce qui s’y déroule, ce qui s’y joue.

 

1- La scène de 0

Pour les hommes tout commence par zéro. Pour les hommes, car pour la matière ce n’est pas aussi simple. Pour les hommes tout commence avec zéro et il est amusant de constater qu’ils s’empressent de mettre ce zéro à l’écart. Par exemple, en Occident, dès qu’on se mit à écrire des nombres qui se succédaient à l’infini, on laissa un espace ou l’on plaça un tiret là où, plus tard, on inscrivit le Chiffre 0. Il fallut attendre l’influence des « arithméticiens » arabes pour redécouvrir ce zéro. En réalité, les arabes le rapportaient de l’Inde où certaines sectes l’utilisaient. Mais, ces sectes indues, ces arabes voyageurs et ces européens oublieux voyaient-ils dans zéro que la marque d’un vide ? C’est tout le problème de l’emploi de 0. A-t-il pour fonction de signifier le moment et l’endroit où il n’y a plus de petits riens perceptibles par les hommes ? Et, par extension, n’est-il là que pour marquer la fin d’une série de nombres (avec la dizaine, la centaine, le millier…)? Ou bien est-il aussi le symptôme de ce Rien au fond du nombre et au fond de chacun ce ces grains de matière ?

L’arithmétique réglera très vite le problème en décidant de faire évoluer les idéalités que sont les nombres en référence à la réalité positive (quitte à mettre au point les « nombres relatifs avec leurs signes + ou – , pour traiter de sujet tel que celui de la température.

En revanche, les Chiffres n’oublient pas d’affronter le Rien qu’il ne faut pas confondre, cela va de soi, avec tous les petits riens que nous ne percevons pas, ni non plus avec les et le vide.

Les Chiffres impliquent le Rien, particulièrement zéro. Mais la marque de ce Rien, impliqué par zéro, correspond à son manque. Que manque-t-il à zéro ? Qu’il y ait quelque chose, ne serait-ce que virtuel.

La marque du Rien, potentiellement créateur, « complète » le Chiffre zéro. Nous découvrons la notion de Chiffre complémentaire. Nous préciserons, plus tard ce qu’est un Chiffre complémentaire dans le dispositif des Chiffres.

Pour l’instant, notons que plutôt que d’être moins qu’un petit rien, zéro est la scène imperceptible  des Chiffres. Selon la logique de ces Chiffres, lesquels ont chacun un complémentaire, il existe, parmi eux, le complémentaire de zéro.

Mais comment retrouver ce complémentaire ? Pour ce faire, il nous faut envisager la re-présentation de zéro. Nous avons bien écrit « re-présentation » avec un tiret. Il s’agit d’un « processus » et non d’un objet.

Le Théâtre est une pratique singulière : elle témoigne de l’efficience du « processus » de Re-présentation à l’origine constante de la matière. Selon le Théâtre il y a dans chaque domaine des processus de re-présentation qui aboutissent à des représentations particulières (tant des objets concrets que des objets significatifs). Le propre du Théâtre est d’aller au-delà des simples représentations et de toucher à leurs processus de re-présentation. Le jeu des acteurs consiste à se re-présenter, que ce soit au public, qu’à leurs partenaires, à leurs personnages et, d’abord, à eux-mêmes. Il ne suffit pas de s’exposer, s’exhiber, comme toute chose se livre à la perception des autres choses, il ne suffit pas d’avoir l’intention de se donner en représentation, encore faut-il avoir la capacité intentionnelle de se re-présenter.

Tous les Chiffres se re-présentent. Ils se représentent les uns aux autres et chacun à lui-même.

Comment effectuer ces représentations ? Par la multiplication. Ceci nous permet de noter que la multiplication, ainsi que la division, occupent une place primordiale par rapport à l’addition qui entrera dans le jeu avec les nombres et l’arithmétique.

Et comment effectuer la représentation d’un Chiffre à lui-même ? Au moyen de sa mise au carré. C’est à dire au moyen de sa multiplication par lui-même. Le carré se tient dès l’origine des Chiffres, mais les hommes attendront les prémices de la géométrie pour le redécouvrir. Ils s’apercevront que la multiplication  du côté du carré par lui-même donne la surface de ce carré. Ce faisant, ils suggèreront, sans en prendre immédiatement conscience, que le carré d’une grandeur est la preuve de son extension dans l’espace, de son existence.

Mais comment mettre O au carré ? Le bon sens numérique assure que O multiplié par O ne peut donner que O. Il s’agit d’un résultat irrévocable. Toutefois, il est important, en ce qui concerne le Chiffre O, de marquer une nuance entre son carré et sa multiplication par lui-même, d’autant plus que ce « lui-même » n’a pas vraiment de sens puis qu’il s’agit numériquement de Rien.

Pourquoi une nuance entre O au carré et OxO ? Afin de répondre à la question, nous procéderons à l’envers. C’est à dire que nous partons du dispositif des Chiffres tel qu’il est pour remonter à sa source. En remontant à la source du dispositif, nous ne prenons pas l’histoire à contre sens. La succession irréversible du temps, à notre niveau macroscopique d’êtres humains, est sans commune mesure avec le « niveau Chiffre » : l’achèvement du dispositif des Chiffres se produit dans le même temps que son origine.

Donc, nous procédons à l’envers et nous prenons le dispositif tel qu’il est. Selon ce dispositif, chaque Chiffre a un complémentaire. O comme les autres.

Reposons la question : qu’est-ce qu’un complémentaire ? Apportons une première définition technique : l’ensemble des Chiffres est un ensemble de 9 Chiffres, de O à 9. Chacun des Chiffres de l’ensemble renvoie à un complémentaire. Les Chiffres complémentaires forment des couples. On obtient le complémentaire d’un Chiffre, en soustrayant ce Chiffre à 9. Le résultat de cette soustraction est le Chiffre complémentaire (au stade des nombres, l’addition d’un Chiffre et de son complémentaire a pour résultat 9). La soustraction de 9 montre ce qu’il manque à un Chiffre pour atteindre le Chiffre maximum 9. le Chiffre complémentaire est le manque d’un Chiffre.

Evidemment, soustraire O de 9 est aisé, il reste 9, de même façon qu’après avoir soustrait O de Chacun des autres Chiffres, à chaque fois il reste chacun de ces Chiffres. La soustraction ne touche aucun Chiffre. Il n’y a pas de différence avec la soustraction de 9. Il n’y a pas de différence, la seule différence s’établit avec la mise au carré. En effet, dans chaque couple de Chiffres complémentaires, le carré de chacun des deux Chiffres est le même. Si x et y sont complémentaires→ x* = y* (nous utilisons * à la place de la puissance 2 en raison d’un problème de « machine »).

Mais comment calculer le carré de O sans passer par la la multiplication, dont les nombres nous ont appris que son résultat est nul ?

On multipliait O par O pour que O se représente à O. Est-ce la seule manière de représentation de O à lui-même et que peut bien être ce « lui-même » ? Selon les nombres, ce « lui-même » n’est rien, mais selon le dispositif des Chiffres rien n’est pas Rien. O n’est pas seulement rien, il est corrélatif d’un Rien générateur et il est fécond de lui faire rendre gorge.

Pour se représenter ce « qu’il a dans le ventre », il faut d’abord admettre qu’il en a dans le ventre, comprendre qu’on retrouve tous les Chiffres dans l’enclos de sa circonférence. Puis il faut soustraire O de O, retirer O de O afin de savoir ce qu’il y a dans O.

Evidemment, selon l’esprit des nombres, il n’y a rien dans zéro. C’est là une grande différence avec l’esprit des Chiffres. Dans l’esprit des Chiffres, Rien n’est pas rien parce que Rien est générateur.

En scène, certes l’acteur manipule des accessoires, agit des gestes, dit des répliques, mais, stricto sensu, il ne fait rien. En revanche, en faisant rien, tout en réalisant des petits riens, il touche au Rien et en réveillant ce Rien, il donne l’impression d’escalader des montagnes vertigineuses, de traverser des océans et de parler avec des dieux. En écrivant qu’il « donne l’impression », nous ne cherchons pas à dire qu’il nous en fournit la signification mais qu’il nous en donne la perception, la vie. L’acteur fait tout avec Rien.  

Comment retirer O de O ? Pour ce faire, nous partons encore du » dispositif des Chiffres tel qu’il est » (nous ne prenons pas l’Histoire à contre sens puis qu’à ce niveau il n’y a pas encore d’Histoire, comme l’être humain l’entend).

La difficulté de la soustraction réside dans le moyen de soustraire une grandeur d’une grandeur moins importante. L’arithmétique a trouvé la solution avec les nombres relatifs (nombres accompagnés des signes + ou -). Ce n’est pas la solution du dispositif des Chiffres qui s’appuie sur la notion de complémentaire.

Exemple : pour soustraire 8 de 2→2-8, nous renversons la soustraction qui devient 8-2. Le résultat de cette soustraction inversée est de 6. Nous prenons alors le complémentaire de 6. Le complémentaire de 6 est 3 (nous expliquerons bientôt comment on détermine le complémentaire de chaque Chiffre). Donc, 3, complémentaire de 6, est le résultat de 2-8.

Le seul problème de la soustraction n’est pas celui qui consiste à soustraire une grandeur d’une grandeur moins importante. Il est aussi celui de soustraire une grandeur à une grandeur égale. Pour les nombres, ce problème ne se pose pas : x-x=O. Au regard des Chiffres, le résultat O est valide, mais il est tout à fait insuffisant.

Certes, x – x = O, mais le dispositif des Chiffres dit qu’il existe aussi un second résultat : x – x = complémentaire de O, c’est à dire le complémentaire du résultat de la soustraction x – x (étant entendu que, dans ce cas, il n’est pas besoin de procéder à une seconde soustraction inversée puisque x – x est identique à x – x).

Donc O – O = O, certes, mais aussi O – O = complémentaire de O.

Comment obtenir le complémentaire de O ?

Nous l’avons déjà expliqué : on obtient le complémentaire d’un Chiffre en soustrayant ce Chiffre de 9. En soustrayant ainsi, ce Chiffre au Chiffre dont la grandeur est la plus importante dans l’ensemble des Chiffres.

9 – O = 9. Donc 9 est le complémentaire de O et O est le complémentaire de 9.

Le complémentaire est ce qui manque à un Chiffre. A O, qui n’est pas rien, il manque tout, c’est à dire 9.

Nous venons de constater la place fondamentale de la soustraction dans le dispositif des Chiffres. La soustraction permet à O de se représenter à lui-même : O*→(O x O)→ O – O = 9 (* sert de puissance au carré)

Il n’en reste pas moins que, la soustraction se substituant, dans le cas de O, à la multiplication de ce Chiffre par lui-même, ne veut absolument pas dire que la multiplication soit laissée de côté par le dispositif des Chiffres. Au contraire. Il en est de même pour la division. C’est l’addition  qui ne correspondait pas vraiment à l’esprit des Chiffres. Elle fera une entrée fracassante avec la naissance de l’arithmétique.

Enfin, vous avez pu noter, cher lecteur, le rôle déterminant et structurant de la notion de Chiffre complémentaire.