Sur scène, en scène, au cours de la scène, l’Acteur emploie peu de moyens, en tout cas des moyens organiquement restreints. Certes, on a fini par lui faire utiliser des accessoires, ne serait-ce que ceux de la diction poétique et, lui-même, a fini par se servir de « trucs de jeu », mais, au départ, on ne compte que sur ses forces fondamentales, telles que ses forces « internes ». bien sûr l’Acteur est toujours tenté d’en « faire trop » et de se livrer à des actions plutôt qu’à des actes, mais, si l’on était exigeants, on attendait de lui « qu’il n’en fasse pas trop » et qu’il s’efforce de parvenir à la plus grande simplicité, la plus ou moins grande « réduction ».
Jusqu’au nombre 9, il ne semble pas exister de différence entre les nombres et les Chiffres. encore qu’il serait, à la différence des Chiffres, préférable d’écrire les premiers nombres 0, 01, 02, 03, 04, 05, 06, 07, 08, 09, mais l’usage s’est empressé de n’utiliser 0 qu’à partir de 10.
A la différence des nombres qui, justement, sont en nombre infini (aucun homme vivant ne verra de nombre ultime), l’ensemble des Chiffres est fini. Il est composé de dix Chiffres : 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. Surtout ne pas oublier 0.
Comment passer de l’ensemble infini des nombres à l’ensemble fini des Chiffres ?
Au dessus de 9, on utilise la réduction latérale. Exemples :
10 → 1 + 0 = 1
132 → 1 + 3 + 2 = 6
1.457 → 1 + 4 + 5 + 7 = 17 → 1 + 7 = 8
28.681 → 2 + 8 + 6 + 8 + 1 = 25 → 2 + 5 = 7
374. 822 → 3 + 7 + 4 + 8 + 2 + 2 = 26 → 2 + 6 = 8
4.842.125 → 4 + 8 + 2 + 1 + 2 + 5 = 26 → 2 + 6 = 8
etc…
La réduction latérale appelle deux remarques :
D’abord polémique : la prétendue « science numérologique » emploie la réduction latérale afin de n’avoir à traiter, la plupart du temps, que neuf nombres. D’ailleurs, elle écarte zéro. Comme son nom l’indique, il s’agit de nombres. A ceux-ci, la « numérologie » prête la capacité d’exprimer le profil psychologique d’une personne et la vertu de prévoir son avenir ! L’étude des Chiffres n’a aucune prétention symboliste et elle ne partage avec la « numérologie », qui traite de nombres, que le moyen, grâce à la réduction latérale de ceux-ci, de retrouver les Chiffres. Vous nous direz qu’avec les additions, dont on se sert pour effectuer cette réduction latérale, on n’a aucune chance de retomber sur zéro. C’est justement là une différence essentielle entre les débuts de l’arithmétique qui s’appuient sut l’addition et le monde des Chiffres qui semblait méconnaitre cette opération.
Pour ne pas tomber dans le seul spectacle, le jeu de l’Acteur exige de ne pas céder à l’accumulation des « effets », à leur addition, à l’addition. Il a besoin d’être dépouillé. Ceci n’empêche pas les Acteurs de produire des images expressives, à condition qu’ils sachent les maîtriser. Et cela n’interdit pas, non plus, de sertir les re-présentations Théâtrales de représentations spectaculaires. Après tout, la re-présentation Théâtrale s’inscrit dans le monde du spectacle (lequel enrichit le « spectacle » théâtral de celle-ci).
La seconde remarque, suscitée par la réduction latérale, est plus ou moins historique :
Le berger qui, en effectuant des entailles sur son bâton, contrôlait la quantité de moutons dont il avait la garde, participait à la naissance de l’arithmétique. D’ailleurs, l’entaille et le comptage sont à l’origine des écritures.
Les Chiffres, qui lui étaient inconscients, poussaient le berger à accomplir ses premiers pas comptables. Sauf que ces Chiffres, non seulement lui restaient inconscients, mais, pratiquement, ils ne permettaient pas au berger de maitriser les quantités concrètes qu’il devait contrôler. Pour ce faire, les hommes inventeront, avec leur cerveau qui masque les Chiffres et leur expérience, des idéalisés capables d’être appliquées aux choses. ils inventeront les nombres et mettront au point leur science : l’arithmétique.
Certes, la naissance des nombres fut induite par les Chiffres, mais leur ordre et les principes qui les ordonnent ne seront pas exactement les mêmes. De toutes façons, leur classement diffère selon les civilisations.
Les nombres sont peut-être des idéalisés, mais leur mission sera toujours de rendre compte de l’évolution quantitative des choses et objets (fussent-ils intellectuels).
Un grand débat traverse l’arithmétique, les mathématiques et leur enseignement. pour les puristes, il ne faudrait jamais confondre les nombres en tant qu’idéalisés et les « nombres de » (un nuage, deux arbres et trois lapins). Ceci parait évident et l’algèbre précisera les chose : les a ne sont pas des b, lesquels ne sont pas des x. Il n’en reste pas moins que les élèves qui ne bénéficient pas de « don » pour le calcul, ne rentreront pas en sympathie avec les nombres au moyen de la seule abstraction. Pourtant les opinions pédagogiques sont bien tranchées. C’est peut-être une erreur dans la mesure où les nombres sont bien des idéalités mais, d’une façon ou d’une autre, elles sont associées à des réalités quantitatives concrètes.
Pour leur part, les Chiffres, comme les nombres, sont des « grandeurs » mais, ô paradoxe, ce ne sont pas des « grandeurs » quantitatives ! Ce sont des relations et des processus qui constituent les armatures internes des formes mais, attention, ces « armatures » sont flexibles et malléables. Toujours proportionnelles, elles n’ont jamais de limite définitive, bien que les résultats des interactions entre ces Chiffres soient toujours simples, ronds et carrés.
Enfin, soyons clairs : nous ne cherchons pas à vous faire accroire qu’à chaque grain de matière seraient associés quelques Chiffres comme les pacotilles qu’on accroche aux bracelets. ce serait une médiocre « illusion comique » et vous nous ririez au nez. Ce ne sont pas des bijoux ni des objets, mais des relations et des processus proportionnels. Difficilement repérables, le cerveau des hommes, en inventant les nombres, les suggère sans fidélité.
Et surtout, peu importe qu’ils se trouvent en plus grande ou moindre quantité que ceux que nous pressentons. Contrairement aux nombres, le quantitatif n’est pas dans leur nature. De toutes façons, comme les Acteurs, ils se répartissent les rôles.