Comme toute entité existante, l’être humain est muni de doubles. Son problème est de ne pouvoir discerner entre ces doubles et un soi-disant « lui-même ». Qu’est-ce qui est lui-même ? Il est tenté, par exemple, de prendre sa conscience dans sa dimension la plus opératoire et la plus raisonnée pour ce « lui-même », alors qu’elle n’est qu’un outil, certes d’une grande finesse, mais un outil de nature mécanique, quand bien même cette nature ne soit pas organique. Avec sa faculté à fabriquer et à se servir d’outils et de marionnettes, l’homme a pris l’habitude de vivre avec. Il ne parvient plus à distinguer ceux-ci de lui-même. D’ailleurs est-ce aisé ?
Bien sûr, la question semble ne pas se poser pour un instrument ou un outil qui existe hors de son corps, mais dès qu’un de ces éléments lui est lié organiquement ? Et plus que de façon organique, mentalement ?
L’homme a fini par prendre son corps pour lui-même, ainsi que ses souvenirs relevant du mécanisme de sa mémoire, ainsi que ses idées qui, pour une grande part, dépendent de l’opinion. Le culte du corps ou, moins courant, celui des équations(!) sont les conséquences de cette confusion.
Hors de quelques faiblesses psychiques, l’être dut passer par la pratique du Théâtre pour découvrir le dédoublement. Il s’aperçut que sa personne était composée de multiples doubles. Diderot avait beau s’étonner qu’une grande comédienne puisse, tout en continuant de jouer son rôle, répliquer avec esprit à des spectateurs qui se moquent, pareille « virtuosité » n’avait rien d’étonnant car, depuis longtemps, en scène, les acteurs n’avaient pas manquer de se dédoubler au vu et au su du public.
Il serait présomptueux de prétendre que la personne essentielle de la comédienne est celle qui interprète un personnage, ou celle qui, froidement, observe les spectateurs et leur réplique du tac au tac ou, pourquoi pas sa personne corporelle avec tous les organes qui continuent de fonctionner indépendamment de la situation. Tous ces doubles se valent et seules les modes et les croyances de chaque époque prétendront, en changeant à chaque fois d’avis, dire où se tient la personne fondamentale de la comédienne.
Mais, alors, qu’est-ce que la personne ? Il nous semble impossible d’y répondre précisément, au même titre qu’il nous semble impossible de dire ce qu’est telle ou telle entité, sauf à prendre l’un de ses doubles pour elle.
Aux yeux d’un observateur, il y a toujours un double qui prend le pas sur les autres. En tant qu’entité réflexive, l’être humain est observateur de lui-même. Son observation s’ajoute à la sensibilité de sa matière et l’aide à se forger une « conscience raisonnable ».
Une entité est donc un ensemble de doubles (les particules, par exemple, circulent un peu partout au moyen de leurs doubles ou « images »), plus ou moins liés entre eux, dont il ne faudrait pas croire qu’ils soient l’essence de cette entité. De toutes façons, au plan le plus fruste, l’ensemble d’une entité – nous enfonçons une porte ouverte – est lié par les rapports que les doubles entretiennent entre eux. Mais cela ne suffit pas. Il est besoin d’un lien plus général, un autre lien, un autre. Tel autre, en tant qu’autre, est autre que les doubles. Il manque un complémentaire, un autre qui soit complémentaire.
Un autre, encore plus autre que les doubles, cela risque de faire penser à un autre qui se tiendrait ailleurs. Mais il ne s’agit pas pour cet autre d’être « ailleurs », mais d’être autrement. Si, à l’image des Chiffres de succession 3 et 6, nous avions un système dans lequel n’existe que deux entités A et B, qui sont, réciproquement, le double l’une de l’autre, on dirait, par exemple que B est le double de A, mais l’on pourrait dire aussi que B est le complémentaire de A et on le dirait dans un tout autre sens, on parlerait de B autrement, sans la nécessité, pour ce B, de se trouver dans quelque « ailleurs ».
Toute entité est composée de doubles. Nous, êtres humains qui, nous mêmes, sommes des ensembles de doubles, nous ne percevons positivement que des doubles; Et, encore, nous n’en prenons conscience qu’à partir du jeu théâtral lequel conduit explicitement à se dédoubler.
Toutefois, nous commettrions une erreur en sous estimant l’importance des doubles. Sans vraiment s’en rendre compte, l’espèce humaine est devenue experte dans l’art de fabriquer et de produire des doubles. Elle ne s’en rend pas compte, elle ne tient pas ces doubles pour des doubles, soit qu’elle les traite comme de simples accessoires, soit, au contraire, qu’elle leur prête une essence humaine. Il n’en reste pas moins que les hommes sont des champions dans la mise en place et le développement de systèmes de doubles, ne serait-ce que dans le domaine de la communication et du commerce.
Toute entité est composée de doubles, mais toute entité n’existe que dans la mesure où elle est en relation avec ce qui manque à ses doubles, et les doubles de chaque entité n’existent qu’en raison de ce qui leur manque. La violente question qui se pose au long de l’histoire de la pratique humaine du Théâtre est de savoir la position que l’on adopte par rapport à ce manque.
Une des positions, celle qui habite le monde du spectacle dans le monde entier est de ne pas en avoir, c’est à dire de ne pas savoir que l’on pourrait adopter une position par rapport à quelque chose dont on ne veut pas connaitre l’existence. Quel manque ?! Ce manque manque au point qu’on ne sait pas qu’il manque. Sous presque toutes les latitudes, le monde du spectacle exerce sa virtuosité sur toutes les sortes de doubles, persuadé que le Théâtre n’est rien de plus (sauf peut-être un art du texte, lequel est un double qui bénéficierait d’un privilège occidental).
Une autre position, qui se voulut plus spécifiquement théâtrale – bien qu’elle se plut à largement faire appel aux performances spectaculaires – fut celle de la « distanciation » brechtienne. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le dramaturge et metteur en scène allemand, Bertolt Brecht, entreprit de désaliéner la représentation théâtrale, désaliéner le spectateur et désaliéner l’acteur. Pour ce faire, il mit en cause les processus d’identification, particulièrement celui de l’acteur à l’endroit du personnage. L’acteur doit prendre distance d’avec le personnage et tenter de montrer ce dernier sous plusieurs coutures contradictoires. La « distanciation » n’entraine pas la disparition du dédoublement. Les doubles servent la démarche dialectique de la distanciation brechtienne.
Toutefois, il y a double et double. Le dédoublement brechtien est censé se garder de l’identification. Il n’est qu’un maniement à vocation didactique. Un maniement…cela est amusant quand on y pense…un maniement proche de celui pratiqué par les virtuoses du « boulevard ». Sauf que le comédien brechtien, préoccupé de la leçon qu’il doit donner au spectateur, risque de confiner son jeu dans la récitation et la profération.
A partir de quel moment le dédoublement est-il emporté par autre chose ? On pourrait poser la question autrement : à partir de quel moment le dédoublement devient-il dangereusement sincère ? Car le paradoxe du didactisme au service de la désaliénation est qu’il doit s’appuyer sur un un fond d’insincérité.
La plupart des spectateurs ne s’en doutent pas, mais l’identification n’est plus à la mode. L’identification est un pas vers la complémentarité tandis que l’expression est l’exhibition des doubles. Bien sûr, le dédoublement fournit une clef pour le complémentaire, mais une clef est insuffisante pour ouvrir une porte. Cette clef peut même, à l’inverse, fermer la serrure à double tour. La matière est une matière de doubles et les hommes s’en débrouillent très bien, mais il manque une dimension, ne serait-ce que celle du manque (qui ne leur apparait qu’au travers des manques dont ils ne cessent de se plaindre).
Au tréfonds, le Théâtre ressent douloureusement ce reniement du manque, reniement du complémentaire qui est une espèce de reniement de lui-même. Mais apparemment, c’est à dire esthétiquement, le Théâtre n’a que faire de ce genre de dimension. Il va même, grâce à une pluridisciplinarité arasante, jusqu’à réduire le dédoublement à un seul double, à un seul art, que ce soit celui de la musique, de la danse ou du cirque. Les actants de ce genre de spectacles connaissent très peu le dédoublement, sauf celui que chacun éprouve dès qu’il se trouve devant un public. Mais les gens de Théâtre ont trouvé l’astuce pour se masquer ce passage par « pertes et profits » : à partir de maintenant ils feignent de découvrir qu’ils s’adressent d’abord au public.
Mais qu’est-ce que précisément le double ?
Est-ce la multiplication par 2 et la division par 5 ? Dans ce cas nous avons à faire au doublement et non au double lui-même. Nous avons à faire à une fonction plus qu’à un Chiffre toujours différent.
Est-ce le produit qui résulte du doublement ? Le produit est en fait une somme et nous pénétrons ainsi dans le monde numéral et quantitatif avec l’addition.
Est-ce une autre unité plus ou moins semblable, parallèle et corrélative ? Nous touchons là, vraisemblablement au double, malheureusement celui-ci nous apparait sous une forme hallucinatoire tels notre reflet dans le miroir ou le fantôme A, dans notre imagination. De toutes façons, sans fantasmagorie, tout Chiffre est le double de celui qui le précède (donc la moitié de celui qui lui succède).
Doublement :
1 x 2 = 1 : 5 = 2 ; 2 x 2 = 2 : 5 = 4 ; 4 x 2 = 4 : 5 = 8 ; 8 x 2 = 8 : 5 = 7 ; 7 x 2 = 7 : 5 = 5 ; 5 x 2 = 5 : 5 = 1
Diminution :
5 x 5 = 5 : 2 = 7 ; 7 x 5 = 7 : 2 = 8 ; 8 x 5 = 8 : 2 = 4 ; 4 x 5 = 4 : 2 = 2 ; 2 x 2 = 2 : 2 = 1 ; 1 x 5 = 1 : 2 = 5
Comment retrouver un Chiffre au moyen du double et du complémentaire de ce Chiffre ?
Evidemment, si nous connaissons le double d’un Chiffre, il est logique de multiplier ce double par 5 ou de le diviser par 2 afin de retrouver ce Chiffre. De même qu’il est aisé, si nous connaissons le complémentaire d’un Chiffre, de soustraire ce complémentaire de 9 afin de retrouver le Chiffre.
Mais ces deux façons ont le désavantage de ne pas se conjuguer et, ainsi, de ne pas montrer que le double et le complémentaire d’un Chiffre participent à la constitution de ce Chiffre.
Avec les nombres, la solution serait simple. Il suffirait d’additionner le double et le complémentaire d’un Chiffre pour obtenir ce Chiffre :
1→ double 2 → compl. 8 → 2 + 8 = 10 → 1 + 0 = 1
2 → double 4 → compl. 7 → 4 + 7 = 11 → 1 + 1 = 2
4 → double 8 → compl. 5 → 8 + 5 = 13 → 1 + 3 = 4
8 → double 7 → compl. 1 → 7 + 1 = 7
7 → double 5 → compl. 2 → 5 + 2 = 7
5 → double 1 → compl. 4 → 1 + 4 = 5
…………………………………………………………………………..
3 → double 6 → compl. 6 → 6 + 6 = 12 → 1 + 2 = 3
6 → double 3 → compl. 3→ 3 + 3 = 6
L’esprit des Chiffres n’est pas encore celui de l’addition. A ses yeux, un ensemble, un Chiffre n’est pas une somme. Il nous faut donc utiliser la soustraction, mais celle-ci ne peut fournir qu’une vérification, et ceci selon deux manières :
Un Chiffre étant composé de son double et de son complémentaire, si nous en soustrayons le double, il nous reste le complémentaire ;
et si nous en soustrayons le complémentaire, il nous reste le double :
1 → double 2 → compl. 7
1 – 2 = 8
1 – 8 = 2
……………………………………..
2 → double 4 → compl. 7
2 – 4 = 7
2 – 7 = 4
………………………………………………….
4 → double 8 → compl. 5
4 – 8 = 5
4 – 5 = 8
…………………………………………………………..
8 → double 7 → compl. 1
8 – 7 = 1
8 – 1 = 7
………………………………………….
7 → double 5 → compl. 2
7 – 5 = 2
7 – 2 = 5
……………………………………………
5 → double 1 → compl. 4
5 – 1 = 4
5 – 4 = 1
…………………………………………
……………………………………
3 → double 6 → compl. 6
3 – 6 = 6
…………………………………….
6→ double 3 → compl. 3
6 – 3 = 3
…………………………………..
……………………………………
0 → double 0 → compl. 9
0 – 0 = 9
0 – 9 = 0
……………………………………….
9 → double 9 → compl. 0
9 – 9 = 0
9 – 0 = 9
Les soustractions du double et du complémentaire présentent un défaut irrémédiable : elles ne permettent pas de fournir le Chiffre dont nous prélevons le double ou le complémentaire.
Il existe une solution, mais elle n’est pas simple et elle n’est valable que pour les Chiffres de conjonction ainsi que pour le Chiffre 0 :
– Il faut d’abord multiplier le double du Chiffre que l’on recherche par le complémentaire de celui-ci.
En ce qui concerne le couple de succession, 3 et 6 et, dans le couple circulaire, le Chiffre 9, la tentative s’interrompt à ce stade car :
3 → double 6 x complémentaire 6 = 36 → 3 + 6= 9
6→ double 3 x complémentaire 3 = 9.
Il est inutile de multiplier 9 par n’importe quel Chiffre. 9 est absorbant, sauf, naturellement, s’il se trouve multiplié par 0. Et justement :
9 → double 9 x compl. 0 = 0.
En revanche :
0 → double 0 x complu. 9 = 0. Et l’on peut ensuite, multiplier 0 par n’importe quel Chiffre, le résultat sera toujours 0, donc le Chiffre qui était recherché.
Mais, pour chaque Chiffre de conjonction, le produit de son double et de son complémentaire ne peut être multiplié que par un Chiffre précis pour qu’on le retrouve.
– Comment déterminer le Chiffre précis qui permet de retrouver un Chiffre de conjonction en multipliant le produit du double et du complémentaire de celui-ci ?
Par quel Chiffre de conjonction, multiplier le produit du double et du complémentaire d’un Chiffre de conjonction ? Tout Chiffre de conjonction est, bien sûr, multipliable mais aussi divisible (et ceci avec un quotient simple sans virgule) par n’importe quel Chiffre de conjonction.
Mais, en l’occurrence, il y a une exigence : le produit de cette multiplication doit être la moitié du double et le complémentaire du complémentaire (sorte de « La Palissade »). Cette exigence permet de sélectionner le multiplicateur adéquat.
Exemple :
double 2 x complémentaire 8 = 7. Si l’on multiplie ce 7 par 4 on obtient le Chiffre 1. 1 est bien la moitié de 2 et le complémentaire de 8.
Tableau pour repérer les Chiffres de conjonction permettant de multiplier le produit du double et du complémentaire afin de retrouver un Chiffre :
1 → 2 x 8 = 7 → 7 x 4 = 1
2 → 4 x 7 = 1 → 1 x 2 = 2
4 → 8 x 5 = 4 → 4 x 1 = 4
8 → 7 x 1 = 7 → 7 x 5 = 8
7 → 5 x 2 = 1 → 1 x 7 = 7
5 → 1 x 4 = 4 → 4 x 8 = 5
On s’aperçoit que chacun des Chiffres de l’ensemble des six Chiffres de conjonction (4, 2, 1, 5, 7, 8 ) est un multiplicateur.
En revanche, seuls les Chiffres 7, 1 et 4 sont les produits des doubles et des complémentaires.
Ceci nous rappelle la distinction que nous avons notée entre le groupe des Chiffres carrés qui constituent le carré de chaque couple complémentaire (9, 1, 4, 7 ) et le groupe des Chiffres produits qui constituent le produit de chaque couple complémentaire (0, 9, 8, 5, 2 ).
Pour les chiffres de conjonction, la distinction s’établit entre les « carrés » 1, 4, 7 et les « produits » 8, 5, 2.
– Il en est de même pour retrouver les Chiffres de conjonction à partir du produit de la diminution et du complémentaire :
1→ moitié 5 x complémentaire 8 = 4 → 4 x 7 = 1
2 → moitié 1 x complémentaire 7 = 7 → 7 x 8 = 2
4 → moitié 2 x complémentaire 5 = 1 → 1 x 4 = 4
8 → moitié 4 x complémentaire 1 = 4 → 4 x 2 = 8
7 → moitié 8 x complémentaire 2 = 7 →7 x 1 = 7
5 → moitié 7 x complémentaire 4 = 1 → 1 x 5 = 5
Là encore, les Chiffres « carrés » sont le produit de chaque complémentaire et de chaque diminution.
Il est amusant de constater que ce que nous appelons Chiffres « carrés » sont dans les cas de la multiplication du double ou de la moitié, avec le complémentaire, des produits (4, 7, 1 ).