IV- Qu’est-ce que la matière immatérielle ?
Notre réponse se veut simple : la matière immatérielle enveloppe les choses matérielles.
La perception des humains tient ces « paquets » pour des objets.
Les perceptions n’étant pas identiques selon les espèces et les catégories de matière, nous sommes tentés de conclure que chaque type de perception crée sa matière immatérielle. Mais créer consiste à tirer du néant et la matière immatérielle ne surgit pas de celui-ci.
Elle vient de la matière dont elle est un des deux aspects. A défaut de la créer, chaque perception en invente l’aspect (paradoxal puisqu’il s’agit d’être invisible). Chaque type de perception découpe, à sa façon, la matière.
Grâce à leur saut épistémologique, les atomistes grecs ont ouvert une démarche juste pour aborder la matière matérielle laquelle, à leurs yeux, est toujours discrète. Les particules de la physique contemporaine sont plus petites que les atomes, mais le temps arrive où l’on découvrira des éléments encore plus minuscules qui continueront de se trouver séparés les uns des autres. Le fait que même les ondes soient composées d’éléments discrets, offre un point de vue qui ne dément pas « l’esprit atomiste ».
Se pose toujours le problème du « fond ». Sur quel horizon ces éléments discrets évoluent-ils ? Bien sûr, la poudre des éléments infinitésimalement plus minuscules peut donner l’impression d’une toile continue, mais ce n’est qu’une impression. Aussi infime soit-il, entre chaque grain de poussière il y a du vide. A nos yeux, la matière immatérielle se présente sous trois aspects :
- la transparence qui recouvre les objets,
- le vide qui sépare les objets,
- l’imperceptible (en raison des limites de nos propres moyens et de nos moyens techniques).
Afin de respecter le caractère atomiste sans évacuer le problème du fond, il est nécessaire d’introduire la notion de « matière immatérielle ». Mais, pour ce faire, il faut d’abord reconnaître l’aspect discret de la « matière matérielle » pour, ensuite, pouvoir reconnaître le rôle d’enveloppement et de lien de la « matière immatérielle ».
Aspect discret de la matière matérielle
Les éléments de la matière matérielle sont séparés et ne se touchent pas.
Prenons l’exemple des points. Certes, on pourrait juger que les points relèveraient exclusivement de la matière immatérielle puisqu’on ne perçoit que les représentations que l’on en donne. Mais ces représentations grossières recouvrent des réalités matérielles infinitésimales qui échappent à nos sens physiologiques mais pas aux probabilités de notre réflexion.
Dans son ouvrage de vulgarisation « Le grand roman des maths », Mickaël Launay nous le rappelle : « …deux points distincts ne se touchent jamais ». Et face à l’objection qu’on lui fait en traçant une ligne qui, en dépit des points la composant, semble continue, Launay n’en démord pas : « …il n’y a pas de trous dans celle-ci et pourtant les points qui la composent ne se touchent pas ! » Puis, il apporte une explication quant à cette impression de continu : « L’absence de trous dans la ligne est uniquement due à l’accumulation infinie de points indéfiniment petits. »
Comme les points, les nombres sont des représentations immatérielles qui recouvrent des réalités. D’ailleurs, Launay étend son explication aux nombres : »…deux nombres différents ne se suivent jamais directement, il y a toujours une infinité de nombres qui viennent se glisser entre eux. Entre les nombres 1et 2 il y a 1,5. Entre 1 et 1,0001, il y a 1,00005. »
Je trouve l’explication de Launay objective mais insuffisante et je paraphrase ce que j’ai dit plus haut : aussi indéfiniment soit-il, entre chaque point ou chaque nombre accumulé il y a du vide.
Ce vide est de la matière immatérielle imperceptible ou perçue sous l’aspect du vide. En encerclant les objets saisis par notre perception, la matière immatérielle prend acte de leurs séparations et les relie. Ces deux fonctions ne sont pas contradictoires mais
complémentaires.
Démontrer la présence de la matière immatérielle entre chaque élément et chaque nombre, démontre la séparation entre eux. Une telle démonstration me demande d’effectuer un détour dont je vous prie de m’excuser. En revanche, ce détour m’offre l’opportunité de vous faire découvrir, de façon succincte, les « chiffres ».
Définition des chiffres :
Ce sont les symboles qui composent les nombres : 0,1,2,3,4,5,6,7,8,9. Leur quantité est de dix, alors que celle des nombres est infinie.
Les dix premiers nombres sont aussi des chiffres.
Comment convertir les nombres en chiffres :
Si la question ne se pose pas pour les dix premiers nombres qui sont déjà des chiffres, à partir du nombre 10, il est nécessaire de pratiquer une réduction latérale
10 1 + 0 = 1 ; 11 1 + 1 = 2 ;…123 1 + 2 + 3 = 6 ……
2.804 2 + 8 + 0 + 4 = 14 1 + 4 = 5
Tableau des couples complémentaires de chiffres
Leur ensemble s’étendant jusqu’à 9 inclus, les chiffres ne sont pas décimaux.
Chaque chiffre se présente avec son complémentaire, c’est à dire le chiffre qui, s’ajoutant à lui, permet d’atteindre la somme de 9
0 + 9 = 9. 9 + 0 = 9
1 + 8 = 9 8 + 1 = 9
2 + 7 = 9 7 + 2 = 9
3 + 6 = 9. 6 + 3 = 9
4 + 5 = 9. 5 + 4 = 9
Il est important de noter la présence de 0, complémentaire de 9. Le statut de ce couple est ambigu. En effet, théoriquement le carré de chaque chiffre est le même que celui de son complémentaire :
1-8 1 = 1 – 8 = 64 6 + 4 = 10 1 + 0 = 1
2-7 2 = 4 – 7 = 49 4 + 9 = 13 1 + 3 = 4
3-6 3 = 9 – 6 = 36 3 + 6 = 9
4-5 4 = 16 – 1 + 6 = 7 5 = 25 2 + 5 = 7
Qu’en est-il pour 0 et 9 ? Selon la tradition 0 = 0 et 9 = 81 (donc 8 + 1 = 9).
Caractères particuliers de 0 et de 9 :
-au cours de la multiplication 0 et 9 sont absorbants :
0 . 2 = O
9 . 2 = 18 1 + 8 = 9
– surtout, au cours de l’addition ils sont transparents :
0 + 1 = 1
9 + 1 = 10 1 + 0 = 1
De 1 à 8, les chiffres peuvent évoquer des nombres quantitatifs tandis que 0 et 9 évoquent la matière immatérielle.
Passage d’un chiffre à l’autre :
Nous avons l’habitude de passer d’un nombre précédent au nombre qui lui succède en ajoutant l’unité 1 : 0 + 1 = 1 ; 1 + 1 = 2 ; 2 + 1 = 3 ; 3 + 1 = 4……
Ce faisant, nous progressons dans la suite des nombres, mais nous ne percevons pas ce qui sépare chaque chiffre de son prédécesseur et de son successeur. Nous ne percevons que des additions qui augmente une quantité.
Ajouter 0 avant et après chaque nombre, n’apporte rien, sinon un surcroit d’écriture :
0 + 1 = 1 + 0 + 1 = 2 + 0 + 1 = 3 + 0 + 1 = 4…….
Nécessité de changer de point de vue pour marquer la présence de la matière immatérielle à chaque chiffre :
– changer de chiffre de départ et d’unité,
-ajouter ce chiffre de départ à chaque étape de la suite des chiffres.
Nouveau point de départ et nouvelle unité
0 et 9 sont des chiffres complémentaires particuliers : ils n’ont « apparemment » pas le même carré, en revanche, partageant une même transparence, ils peuvent prendre la place l’un de l’autre. Ainsi 9 peut remplacer 0 comme unité de départ. De plus, il sert d’unité à ajouter pour progresser d’un chiffre à l’autre.
Tableau de progression avec matière immatérielle représentée par 9 en tant que chiffre de départ et unité que l’on rajoute :
0 + 9 = 0-9
9 + 9 = 1-8
18 + 9 = 2-7
27 + 9 = 3-6
36 + 9 = 4-5
45 + 9 = 5-4
54 + 9 = 6-3
63 + 9 = 7-2
72 + 9 = 8-1
A chaque étape, la somme n’est pas un nombre, mais un couple de chiffres complémentaires : 1-8 n’est pas le nombre 18 de la colonne de gauche, mais le couple complémentaire 1-8.
Le fait que le résultat de chaque addition, ne soit pas un nombre comme sur les colonnes de gauche, mais un couple de chiffres complémentaires, marque la présence de la matière immatérielle.
Dans chaque couple, le complémentaire de chaque chiffre peut être considéré comme l’ombre qui accompagne celui-ci. Cette ombre est une image métaphorique qui évoque la trace de la matière immatérielle. A chaque étape, on lit le chiffre 9 – image de la matière immatérielle – additionnant chaque élément d’une colonne à chaque élément de l’autre
A l’instar des chiffres, chaque nombre est séparé de son prédécesseur. De plus, les chiffres participant à la
composition des nombres qui dépassent 9, sont aussi séparés. Exemple :
Le nombre composé 247
246 247 248
246 2 4 7 248
Tous les éléments (objets) saisis par les perceptions sont enveloppés par la matière immatérielle.
Les différences de découpage de la matière – selon les types de perception – rendent la question complexe.
Les perceptions constituant la matière, l’ensemble de celle-ci est perçu comme matériel ou comme immatériel. Il n’y a qu’une seule matière, mais elle se présente selon un aspect ou l’autre. En réalité, c’est à elle-même qu’elle se présente selon cette alternative, puisqu’elle est constituée de perceptions.
Nous touchons le problème de l’observateur, lequel ne parvient pas à se « toucher », car il se situe dans un angle mort pour lui-même. Ceci explique l’impossibilité, pour une entité, de se reconnaître sur une surface réfléchissante – tel un miroir – si elle n’a pas atteint un certain stade d’évolution.
L’angle mort de l’observation conduit les entités, lorsqu’elles sont mentalement évoluées, à produire des projections et des inventions pour imaginer leur soi-même. Le « connais toi toi-même » des philosophes est
un conseil bien difficile à suivre. La naissance progressive de la conscience semble lui répondre, mais cette conscience est plutôt constituée d’illusions. Ces illusions relèvent de la fiction et sont portées par la
matière immatérielle. La fiction comprend deux faces : la face fictionnelle et la face fictive. La face fictionnelle recueille les reflets et les images des autres choses. La face fictive transporte et meut ces représentations. La face fictive est le succédané de la force des éclatements Parentiels, tandis que la face fictionnelle s’installe à partir du stade des apparences. A ce stade la fiction se répartit en deux faces : fictive et fictionnelle. L’une transporte et l’autre recueille.
Nous percevons la réalité au travers des représentations fictionnelle. Au cours de la vie courante et consciente, le fictionnel s’ajuste plus ou moins bien à la matière matérielle ; mais la face fictionnelle a recueilli des axiomes « raisonnables et logiques » qui empêchent la face fictive de trop perturber cet ajustement. En revanche, lorsque, inactifs, nous laissons courir notre imagination ou, encore plus, que nous cédons au sommeil, la force fictive reprend ses droits et bouscule – particulièrement dans nos rêves – les axiomes de raison et de logique qui prévalaient. Alors, la matière immatérielle n’habille plus « convenablement » les objets, ce sont les images fictionnelles de ceux-ci que la force fictive enfile, dans le « désordre », comme habits.
Si la matière est constituée de perceptions, elle se perçoit elle-même. Ce « elle-même » est, bien sûr, unique, mais aussi pluriel. Sa pluralité est suscitée par
les différences de saisie qui ont cours selon les
myriades de perceptions. La double dimension perceptive détermine chez les humains (et sans doute chez beaucoup d’animaux) l’interaction contradictoire « conscience-inconscient », l’opposition entre le désir de se connaître et l’incapacité de se désigner précisément. Il ne faut pas confondre les « autres » et « l’Autre », comme il faut autonomiser le « soi » par rapport à ceux-ci (je n’ai pas cité le « moi » car il reste, en partie, inconscient).
Les perceptions affrontent, chacune selon sa nature, le vide. Ainsi l’être humain commence à prendre en compte, inconsciemment, la matière immatérielle en accordant un statut au vide dans ses calculs.
En Inde, fut inventé le système décimal de position qui utilise dix chiffres avec le 0. Les arabes transmirent ce système à l’Europe et appelèrent le O « zifr ». Ce terme donna naissance à deux mots : zéro et chiffre. Il ne restait plus qu’à donner de la surface à ce O, afin de montrer la présence de la matière immatérielle. D’où la nécessité d’établir une logique des chiffres, selon laquelle on peut remplacer 0 par son chiffre complémentaire 9.