Science

Lexique 3

Posted by on Mar 14, 2014 in Blog, Science, Théâtre

possession : adopté, bien malgré elles, par les populations « animistes », mais imposé, en fait, par les sociétés occidentales formatées par les religions révélées. La possession est un des symptômes, les plus essentiels, qui affectent les « initiés » – et des non initiés – au cours d’une cérémonie d’un des différents rites animistes. Contrairement à ce que semble dire le terme de possession, le sujet de celle-ci ne se possède plus. Il a perdu conscience, ce qui ne l’empêche pas d’accomplir un certain nombre d’actions et de prononcer certaines paroles d’une langue qui, parfois, ne lui est pas maternelle. Il est alors possédé par autre chose que lui-même dont il n’a plus la maitrise. Toutefois, cette maîtrise semble appartenir à une culture qui peut lui être étrangère et dont l‘expression est contrôlée par un « prêtre » ou une « prêtresse. Les cultes animistes perdurant en Afrique, dans les Caraïbes, en Amérique du sud et dans plusieurs régions d’Asie, furent très présents en Europe, en Afrique du nord, au Moyen Orient et en Amérique du nord, avant que d’être éradiqués par la puissance des religions révélées. En ces matières, on a à faire à un déni : selon l’opinion courante, en Occident les cultes animistes n’auraient, pour ainsi dire, presque jamais existé et ceux qui, dans le reste du monde, n’auraient pas complètement disparu, se seraient rapidement associés et mêlés aux « grandes religions ». Il est, tout de même, curieux de constater que, dans beaucoup de zones de l’Islam et dans quelques courants du Protestantisme, les cérémonies suscitent, aujourd’hui, des manifestations de possession. Dans la Grèce antique, particulièrement hors des Cités, le culte Dionysiaque (Dionysos fut considéré comme le dieu du théâtre), donna naissance à des choeurs de jeunes femmes qui couraient la campagne en état de possession. Ces possessions furent les ancêtres des démarches d‘identification, mais, rapidement, les Cités mirent la main sur ces manifestations dangereuses pour l’ordre public et entreprirent d’en canaliser les pulsions en organisant des Choeurs masculins plus disciplinés, puis encouragèrent les démarches de signification propres à la Tragédie et à la comédie. Le regard porté par l’Occident sur la possession est celui de la raison et il serait périlleux d’en faire fi. On est pris entre deux risques : celui qui consiste à se soumettre sans réserve à la raison et à refuser l’existence de « tout autre  » chez l’homme et tous les êtres vivants, celui qui revient à s’abandonner à l’irrationalisme sans présumer des crimes que cela peut entraîner. La situation est difficile pour une réflexion sereine sur le Théâtre. Qu’en saurait-on réellement de celui-ci  si l’on passait sous silence la possession antique et le travail d‘identification sous le prétexte qu’il s’agirait là de manoeuvres attentatoires  à une rationalité à courte vue pour laquelle le théâtre et son jeu doivent se limiter à la signification, l‘expression et au seul spectacle ?

identification : le manque d’information scientifique rend impossible de savoir si, dans l’évolution de l’espèce humaine, la possession précèderait l’identification, ou l’inverse. Il n’est pas question du même plan : la possession semble relever du plan sociétal, tandis que l‘identification relèverait du plan individuel. Vouloir trancher entre ces domaines apporte la preuve qu’on souhaite mettre en avant telle ou telle idéologie. On dira plutôt que la possession et l‘identification sont corrélatives. Il n’en reste pas moins que l’identification est une extirpation de la possession : si « on se prend pour quelque chose », c’est, qu’au moins, l’on n’est plus pris par cette chose. Encore qu’on pourrait « chipoter » et dire que, pour qu’une chose nous prenne, il est besoin qu’elle soit déjà capable de se prendre elle-même ; franchement, je ne sais pas… Ce dont je suis certain, est que le procès dressé contre l‘identification, en tant que démarche aliénante, est injuste et caricatural. La prétendue non identification brechtienne (passionnante d’un point de vue stylistique) est un leurre : l‘identification ne se réduit pas au niveau conscient, elle est, avant tout, un processus inconscient et chaque individu, contrairement à qu’il se plait à croire, ne sait pas à quoi il s‘identifie ! Le principal étant, qu’au moyen de ce processus, quand bien même n’en connaîtrait-il pas la direction, il parvient à se sentir, puis à se penser distinct, non seulement de ce avec quoi il ne s‘identifie pas, mais aussi de ce à quoi il s’identifie. Ce deuxième point, d’autant plus qu’il ne sait pas exactement à quoi il s‘identifie et que, ne le formalisant pas, la seule chose qu’il discerne, plus ou moins clairement, est sa propre différence. De la possession et de l’identification, il est peu sérieux de dire laquelle précède l’autre, en revanche, on se rend compte que, dans l’évolution humaine, l‘identification précède la conscience et, à plus forte raison, la raison. « Il discerne sa propre différence », c’est à dire qu’il ressent cette part de néant qui se trouve en lui, laquelle se différencie de toute chose, à commencer de lui-même et, ce faisant, lui fait envisager ce lui-même. Maintenant, il est nécessaire de souligner deux différences. D’abord celle primordiale, entre signifier et s’identifier. Ce n’est pas du tout la même chose de signifier que l’on ressemble à tel ou tel, et de vivre dans la situation de tel ou tel. La signification est, certes, une représentation mais il s’agit d’une représentation encore proche d’un objet dont on détient la propriété (avant que de l’échanger) mais dont on ne partage aucune qualité (il y a, si on se permet de le dire, un peu d’être dans l’identification). Ensuite, opératoire, la distinction entre l‘identification qui se « veut » très consciente à tel ou tel personnage précis, au travers de ses caractéristiques caractérologiques (et physiques), et l’identification au Personnage, cette sorte de surspectateur qui se  retrouve dans « le tableau », dans le rêve, dans toute situation. L’identification au Personnage et non à un personnage particulier est beaucoup plus profonde. Elle dénote la corrélation de la possession et de l’identification, particulièrement en ceci que le Personnage est la relation établie avec le processus de Re-présentation. Les deux types d‘identification, celle consciente à un personnage et celle plus profonde au Personnage se renforcent l’une l’autre.

 

fiction : les lignes consacrées à la possession et à l‘identification induisent une mise en question des caractères positifs et incontournables de la réalité et de la vérité. Celles-ci auraient le plus grand mal à revendiquer la pureté du cristal et sembleraient, bien souvent, ne partager avec ce dernier que sa qualité de miroir, autant dire la compétence concrète qu’il apporte à l’illusion ; mais, rigoureusement, que désigne ce terme d’illusion ? S’agit-il du contenu qu’on donne à accroire ou de  la matière et des moyens qu’on utilise pour ce faire ? Pour une grande part, les moyens donnent l’impression d’être tangibles et l’on profèrerait une contre vérité en ne leur accordant aucune réalité –  le matériau dont est fait, par exemple, un panneau de signalisation routière existe positivement -, mais, franchement, où s’arrête le matériau et où commence ce qui ne relève que de l’imagination et de sa mémoire ? Question d’autant plus pertinente depuis qu’on a constaté que la matière était constituée de matière matérielle et de matière immatérielle (césure, on le rappelle, qui dépend de chaque espèce, de chaque catégorie et de chaque niveau). Matériels ou immatériels, les moyens sont toujours des ensembles de la matière, plus exactement des représentations. Et la matière de ces représentations est de la fiction. On a pour habitude de tenir la fiction pour une création de l’imagination, mais, pour ce faire, on implique le verbe « créer » qui suppose qu’on « tire du néant ». Le rapport à celui-ci est le rapport qu’entretient le processus de Re-présentation, lequel permet l’existence de toute chose, de toute représentation. Selon la considération de chacun à son niveau, le monde est composé de représentations lesquelles sont constituées de fiction. Un tel constat risque de susciter la colère de tous ceux qui trouveront alors, que tout ne serait plus que mensonge ! Ils se tromperaient simplement de niveau, la séparation du vrai et du faux  ne se tient pas là : la question de la vérité est une question d’ajustement, l’ajustement, selon la considération qui a cours, entre diverses représentations (constituées de fiction) et non entre diverses fictions au sens où l’entend la pensée traditionnelle. Il n’en reste pas moins que le risque de céder à cette traditionnelle confusion indique la menace pesant sur la fiction qui est, à l’instar des représentations, de se voir considérée comme un objet. Paradoxalement, on éprouve quelque mal à tenir la fiction pour un processus, bien qu’on ne cesse de sous-entendre qu’il s’agit d’une manoeuvre. Evidemment, si la fiction est une « matière fictive », on a du mal à la situer. En fait, tel qu’on la présente, il lui manque une qualité qui préciserait ce qu’elle « est » ou à quoi elle procède. Ce type de qualité ne correspond pas à son rôle mais plutôt à celui de l‘effictivité.

Effictivité : on évoque le point nodal du présent essai, justement en nouant un néologisme avec deux termes apparemment contradictoires : effet et fiction. En dotant ainsi la fiction d’effectivité et en élargissant la conséquence de celle-ci, on rend compte d’une surprenante réalité à laquelle chacun s’est pourtant habitué : la fiction n’est pas sans effet, ne serait-ce, par exemple, sur la sensibilité des êtres vivants (que ce soient les humains affectés par les histoires qu’on leur raconte, les animaux trompés par les leurres, ou un végétal vers lequel on projettera le rayon d’une lampe électrique qui lui procurera le même effet qu’un rayon de soleil).  La question se pose : si la fiction n’est pas sans effet sur la sensibilité des êtres vivants, pourquoi n’en aurait-elle pas sur l’ensemble de la matière ? Admettre pareille éventualité reviendrait à admettre que l’ensemble de la matière serait doté de sensibilité, hypothèse qui n’est pas automatiquement absurde à partir du moment où l’on ne parle plus de matière mais de représentation et, surtout, à partir du moment où l’on ne restreint pas le vivant à ce qu’on a l’habitude d’appeler le « vivant » et où l’on ne divise plus le monde entre ce qui serait inerte et ce qui serait vivant (attention au simplisme : cette division est parfaitement nécessaire pour la recherche et vouloir l’effacer en pratique conduit à un réductionnisme semblable à celui du « savant » soviétique Lyssenko qui, en plein stalinisme, affirma, à l’encontre de cette science « réactionnaire », la biologie (!) :  que  les variations obtenues sur un organisme grâce à l’intervention du milieu, comme les variations de température, pouvaient enrichir cet organisme, le faire muter et lui donner la possibilité de transmettre les modifications dont il avait bénéficié. Malheureusement, Lyssenko ne parvint pas à faire muter et multiplier blé et maïs.). La Présence est le symptôme du processus de Re-présentation, et l‘effictivité est l’efficience de la Présence. Positivement insaisissable, parce qu’absolument non substantifiable, afin de pouvoir l’évoquer, on comparera son allure à la vitesse de la lumière avec laquelle elle partage une forme d’invariabilité. De même façon que la vitesse de la lumière ne dépend d’aucun des référents existants, l’allure de l‘effictivité ne dépend d’aucun des présents (lesquels ne sont pas assimilables à la Présence).

 

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Rôle de la Fiction et du Sujet dans la re-présentation de la Matière

Posted by on Fév 18, 2014 in Blog, Géopolitique, Science, Théâtre

On  a cru régler la question du vide en prétendant, qu’absolument irréalisable, il n’était qu’une métaphore du Rien. On l’a cru trop rapidement, persuadé de s’appuyer sur des arguments imparables du genre : « ce prétendu vide n’est qu’une impression humaine ! ». Cela revenait à liquider sans égards, non seulement  la dimension humaine mais aussi la fonction du Sujet qui n’est pas restreinte à une fonction humaine et s’étend à toutes les espèces, tous les êtres vivants et toutes les catégories de matière. Toujours tenté de croire que seuls les êtres humains ressentent des impressions, on a mis longtemps à découvrir que les animaux n’étaient pas des machines, on a même hésité avant d’admettre que les très jeunes enfants pouvaient se trouver physiquement impressionnés autant que les adultes. D’ailleurs, l’enjeu est encore beaucoup plus profond qu’on ne le dit :  on pourrait très bien tenir les animaux pour des machines à la condition de reconnaître chez ces machines une faculté sensible. Plus précisément, « à condition de reconnaitre une faculté sensible dans la matière de ces machines ». Une sensibilité de la matière elle-même et non des machines en tant que machines, c’est à dire des objets constitués d’objets. Craignant, à juste titre, de se trouver accusé d’anthropocentrisme, on évite  de prêter aux êtres, aux objets et à la matière des qualités propres à l’homme ou, du moins, que l’on croit propre à celui-ci. Qu’entend-t-on par « propre à l’homme ? » Qui le caractériserait ? Une telle caractéristique ne serait-elle pas, justement, une projection de l’homme ? Projection censée lui convenir à la perfection, mais cette soi-disant perfection ne serait-elle pas seulement la conséquence de l’évolution et un aspect particulier de l’espèce qui prendrait sa source non seulement dans l’ensemble des êtres vivants mais aussi dans l’ensemble des choses de la matière ? Ne faudrait-il pas retourner cette fière originalité en simple conséquence ? Ce n’est pas céder à l’anthropocentrisme que de penser que les spécificités humaines prennent leur source dans les compétences de la matière, il s’agirait plutôt de « matériaucentrisme » ( si ce néologisme était d’usage et s’il ne risquait pas de renvoyer au matérialisme le plus réducteur).

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Libérer la Fiction de l’objet significatif

Posted by on Fév 14, 2014 in Blog, Science, Théâtre

Afin que vous ne vous égariez point parmi les voies empruntées par la présente étude, je dois éclaircir la situation de la fiction, je dois la remettre en situation. Pour ce faire, je tenterai : 1- de lever l’équivoque qui sépare l’usage courant de ce terme de son emploi dans la logique de la re-présentation, 2- de préciser le rôle qu’elle tient dans la re-présentation de la matière. Selon l’usage, une fiction est un ensemble de significations, transmis au moyen d’un certain mode d’expression,  évoquant des évènements, des personnages, des lieux, des objets, des pensées, des formes et des paroles qui n’ont pas vraiment lieu, quand bien même feraient-ils référence à des choses qui se sont produites ou qui se produiront.

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Vers la Fiction, en passant par le Sujet

Posted by on Fév 7, 2014 in Blog, Science, Théâtre

J’ai indiqué, maintes et maintes fois, qu’au cours de l’expérience des deux miroirs se faisant face – expérience qui n’en n’est plus une tant elle fait partie de l’usage -, ceux-ci sont dans l’attente, ou plutôt impliquent un présent, je ne dis pas la Présence, du sujet, lequel est constitué par le sujet-actant (actrice ou actant) et par le sujet-témoin (spectateur). Le Sujet rend présent le croisement des reflets des deux miroirs, au même titre que l’observateur scientifique rend présent les éléments de matière qu’il considère. Quand j’écris qu’ils les rendent présents je ne cherche pas à dire qu’ils leur donnent de la Présence. La confusion des présents et de la Présence constitue un obstacle traditionnel et courant de la réflexion, même les plus grands penseurs y ont cédé. Les uns frisent le solipsisme en ne se retenant pas de croire, qu’au bout du compte, les choses sont, dans la mesure où elles le sont pour les consciences et les autres rappellent qu’elles se tiennent irréductiblement en dehors des consciences, au point de leur accorder plus de réalité qu’à ces dites consciences. La distinction entre les présents et la Présence permet de singulariser chacun des éléments sans exclusive : les éléments sont en dehors de quiconque grâce à la Présence et chacun de ces éléments peut s’efforcer d’être présent à chaque part de la Présence, étant entendu que chacune de ces parts n’existera, en tant que telle, qu’en raison de la forme de reconnaissance par l’un de ceux-ci. Nul besoin d’être reconnu par quiconque pour être, et quiconque peut reconnaitre chaque être à sa manière. Evidemment, on se trouve loin de vérités absolues, mais cela n’empêche pas d’accorder un caractère absolu à des vérités partielles, comportement indispensable à toute démarche de ressaisissement –  sachant, par devers soi, afin d’éviter le fanatisme et de garder sa porte ouverte à la connaissance, que ces vérités absolues ne le sont pas définitivement. Les présents s’articulent à la Présence, ils comblent ainsi les vides dont il faut rappeler qu’ils ne sont que des métaphores du Rien. Métaphores bien nécessaires, elles permettent aux sujets de vivre, en tout cas à certains d’avoir l’impression de vivre –  à quoi on peut résumer, pour la conscience, le fait de vivre, ce qui, loin de mépriser l’impression telle une vaine illusion, pousse au contraire à la chérir.

Maintenant, il ne faudrait surtout pas oublier que l’observation de quoi que ce soit pèse sur ce quoi que ce soit. L’observateur perturbe ce qu’il observe. Le verbe perturber est sans doute excessif, il tend à faire croire que la chose observée éprouverait un sentiment négatif et, peut-être, que la cause de la perturbation serait dotée d’intention (malveillante). Il psychologise une relation qui devrait rester objective, mais, de plus, il affirme que la cause s’est produite au détriment de la chose observée, ou, du moins, en entravant son cours « normal ». Quelle normalité ? Y aurait-il un destin fixé d’avance pour toute parcelle de matière, qu’une « diabolique » observation viendrait fausser ? Cette ironique question va plus loin qu’il y paraît à première vue. A défaut d’être observée, selon la dimension psychologique de l’observation, toute parcelle de matière n’est-elle pas prise en compte, au moins, par les parcelles qui l’entourent, si ce n’est par l’entière matière ? Et pareille prise en compte ne contribue-t-elle pas, en partie, à sa formation et à ses déterminations ? Je ne dis pas que chaque chose n’existe qu’au moyen de ce qui l’entoure, que chaque texte n’a d’existence que grâce à son contexte, mais je ne prends pas un grand risque en affirmant que l’une et l’autre ne seraient pas, à tel ou tel moment, tout ce qu’ils sont, en dehors de tout cela. Au Théâtre, on le sait bien, les êtres, les choses et les évènements sont des carrefours et des noeuds de situations. L’observateur peut être exempt de psychologie, le simple fait d’être là, que son présent s’articule avec la Présence dans laquelle baigne ce qu’il est censé observer, contribue à la forme d’existence de celui-ci.  Je dirais à sa forme de représentation. L’ensemble constitué par l’observateur et ce qu’il observe, ou ce à quoi il est présent, est un ensemble de considération. Attention, aucun ensemble de considération n’exclut les autres. Ceci renvoie à la nécessité du spectateur, sa nécessaire implication, quand bien même ne serait-il qu’un témoin ou seulement un voisin. La nécessité d’un voisin pour que le monde existe.

Mon expression a cédé quelque peu à la facilité en laissant sous-entendre que le voisinage suffirait. Quand je parle de voisin je ne fais pas référence au seul voisinage spatial ainsi qu’on l’entend avec le monde extérieur. Tout ensemble de considération voisine aussi avec lui-même – quand bien même ne font-ils pas bon ménage. Encore que ce « lui-même » soit indécidable et que seul un sujet puisse avoir la présomption de le revendiquer pour lui-même. Le Sujet revient ici pour rappeler que les sujets ne sauraient vivre et être conscients sans s’appuyer sur un certain nombre de vérités. Que ces vérités ne soient pas absolues, peu importe, le principal est qu’elles le soient dans un temps et un espace donnés, à un présent particulier et, surtout, qu’elles le soient pour eux. Le sujet conscient s’arrange toujours pour remplir, avec des vérités, le manque de vérité. Vous me direz : tout ça c’est de la foutaise ! Vous aurez raison. Pour ma part, je dis que c’est de la fiction mais, au même instant, je me rends compte qu’on dit, et je ne suis pas le dernier, tout et n’importe quoi sur la fiction. On n’emploie pas encore le terme de représentation, on s’en tient au concept d’objet et l’on se trouve obligé de toujours distinguer entre les objets réels et les objets de fiction. Persuadés de parler avec prudence, on se jette dans la confusion avec les« objets de fiction ». Qu’est-ce qui, dans un objet de fiction, relève de la fiction et relève de l’objet ? Les arts et le Théâtre connaissent le problème : la chaise sur laquelle le comédien et le personnage s’asseyent relève de quel domaine ? Elle bénéficie d’une solidité suffisante et d’un fonctionnement efficace qui démontrent qu’elle est, à notre époque, un objet comme bien d’autres, mais sa forme et le tissu, avec ses couleurs, qui la recouvre en font-ils un mobilier courant ? Après tout, qu’est-ce qu’un meuble, un vêtement et un accessoire courants ? Dans la « vraie vie » les « vrais gens » peuvent très bien s’asseoir sur, se vêtir avec, et manier des objets originaux, tandis que des personnages de fiction, emploieront les choses les plus neutres que l’on pourra retrouver dans sa cuisine.  A l’époque où les toiles peintes faisaient florès dans le théâtre, il n’y avait pas d’hésitation :  s’il y avait toile peinte, c’était clair,  « c’était pas pour de vrai ». On se retrouvait de plein pied avec la question picturale : à quel moment commence le tableau fictif  ? Avec le cadre, avec la toile, avec l’enduit, l’esquisse des formes, les premières touches de couleur, ou seulement le travail de finition qu’affectionnaient les peintres académiques ? Déjà, certains étaient persuadés, bien avant le xxème siècle, que l’essentiel reposait dans  le concept, le projet. Ils attachèrent de plus en plus d’importance à leurs premières esquisses et ce souci deviendra essentiel avec « l’art conceptuel » qui limite les oeuvres à la présentation de griffonnages, d’ébauches, de notes, au mieux de prémices de maquettes. On opposera à cela que  l’oeuvre n’existerait pas sans l’oeil du visiteur. Selon ces tendances et ces obligations, il ne resterait plus, pour tenter de désigner une oeuvre fictive, qu’à dresser un arc depuis l’idée de son créateur jusqu’au ressenti de son spectateur. De  telles idées et de tels sentiments se formant au travers des organes et des matériaux, on ne parviendra toujours pas à déterminer ce qui relève de la fiction et ce qui dépend du monde matériel, mais, au fait, la différence, à supposer qu’elle existât, passerait-elle par ces catégories ? Le monde ne serait-il pas plutôt disposé selon un domaine matériel et selon  un domaine immatériel. Deux domaines qui se répartiraient différemment selon les considérations des espèces, des êtres vivants et des catégories de matière. Et ces deux domaines ne seraient-ils pas constitués, tous deux, de fiction ? Le Sujet faisant retour dans mon propos, ne vient pas pour me démentir. Il sait se satisfaire de vérités qui n’en sont pas, pour la bonne raison que, lui-même, est une fiction. Ou, plus précisément, qu’il est un ensemble fictif, un outil de la fiction, à la fois l’un de ses thèmes et un de ses actants.

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Combler le vide

Posted by on Fév 4, 2014 in Blog, Science, Théâtre

Je me rends compte que cet article ne fut pas publié. Il aurait dû être publié le Mardi 4 Février, après « Leparadoxe sur le Sujet » et avant « Vers la Fiction, en passant par le Sujet ». Je vous prie de m’en excuser. JB

Il est temps d’évoquer le vide, le manque, le Rien. On n’avait pas cessé d’en parler, indirectement et plus ou moins directement. On est confronté à un problème concret : quoi qu’ils en disent, en dépit de leurs efforts, au cours de l’histoire les « savants » ne sont jamais parvenus à « faire le vide ». Certes, ils ont retiré les « billes »qui se trouvaient dans le bocal, ils ont déversé le liquide du vase mais ils se sont aperçus qu’il restait de l’air, lequel, grâce à un dispositif plus sophistiqué, fut évacué. Il n’en resta pas moins des ondes dont il était difficile de se débarrasser. A supposer que cela eût été  possible, il resterait encore quelque chose. Le vide absolu n’est pas prêt d’être obtenu et les discours ne vident pas les récipients ! Le vide absolu est loin de se « montrer », pour la bonne raison qu’il n’y aurait rien à outrer. Impensable. Rien est impensable.

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Le paradoxe sur le Sujet

Posted by on Jan 31, 2014 in Blog, Science, Théâtre

Je vous l’avoue, j’ai été très heureux d’être interpellé par un avocat de l’imitation, je vous avouerai même que je l’attendais, au point que vous seriez en droit de me soupçonner de l’avoir inventé. Non, je n’ai inventé ni ce personnage ni son interpellation, sauf à prendre le verbe « inventer » dans son sens  étymologique selon lequel on découvre ce qui se trouvait déjà là et qui explique pourquoi il arrive à chacun de bénéficier parfois d’intuition et de prémonition – mais de là à se prendre pour une voyante ! Je réfléchissais à la meilleure façon de passer de la re-présentation à l’imitation, de l’identification au sujet lorsqu’on a critiqué le « simplisme » avec lequel j’accordais plus d’importance à l’identification qu’à l’imitation, et ceci en faisant l’impasse sur une avancée scientifique majeure, la découverte des neurones miroirs. Quel rapport essentiel, serez-vous tentés de me dire, entre les neurones miroirs et le sujet ? Je crois avoir commencé de l’expliquer, mais je ne suis pas certain d’avoir été suffisamment clair. Il est vrai que pour transmettre ce genre de question on se heurte à deux types de défi : d’abord, quel sens adopte-t-on pour dérouler l’explication ? Part-on de la perception qui a cours au sein du monde macroscopique ou émet-on des hypothèses quant aux relations entretenues à un niveau « infiniment petit » ? Ensuite, comment assembler tous les éléments qui sont en cause et dont certains semblent traditionnellement n’avoir rien à faire entre eux ?

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